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le Monde Diplomatique
A qui profitent les vacances ?
Gilles Caire Maître de conférences en sciences économiques à l’université de Poitiers.
Article mis en ligne le 29 mai 2013
dernière modification le 24 mai 2013

Mobilité, consommation, libéralisation des échanges : pour les institutions internationales, le tourisme est un puissant vecteur de mondialisation. Mais pas uniquement : à en croire l’Organisation mondiale du tourisme (OMT, l’institution spécialisée au sein du système des Nations unies), il constituerait également « un moteur essentiel du progrès socioéconomique (1) ». Lors de la Journée mondiale du tourisme de 2006, l’OMT lançait ainsi une campagne de communication intitulée « Le tourisme, source d’enrichissement pour les personnes, les familles, les communautés et le monde entier », afin de « faire prendre davantage conscience des effets positifs » qu’il peut avoir : « avantages économiques, meilleure entente entre les peuples, emplois dans les zones rurales, protection de l’environnement... ». On connaissait déjà le trade, not aid (« le commerce, pas l’aide ») ; nous vivrions désormais à l’heure du travel, not aid : le voyage, pas l’aide… Faut-il vraiment partager une vision des choses aussi idyllique ?

(...) Pareil tableau omet le fait que le tourisme est avant tout une industrie dominée par des multinationales, comme TUI Travel ou Accor, et structurée par de vastes alliances technico-commerciales planétaires. En 2001, lors d’un colloque de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), le secrétaire général de la Fédération internationale des tour-opérateurs détaillait la répartition moyenne du coût d’un forfait touristique international acheté en Belgique, en Allemagne ou au Royaume-Uni : en moyenne, 20 % reste dans le pays d’origine ; 37 % revient à la compagnie aérienne. Seulement 43 % du forfait atteint le pays d’accueil, et encore faut-il en déduire ensuite certaines importations dont le touriste ne souhaite pas se passer : boissons, aliments, climatiseur, téléviseur, énergie... Pourtant, les formules proposées par les opérateurs représentent 80 % des voyages vers les pays en développement.

Par ailleurs, la vie en vase clos des clubs de vacances et l’encadrement directif des voyages organisés, où le temps est compté et les achats guidés, favorisent peu les contacts avec les plus petits producteurs. (...)

La plupart des pays du Sud ne bénéficient donc qu’assez peu du tourisme international — sans compter qu’une part importante des recettes restantes est souvent prélevée par l’oligarchie économique et politique locale. Du côté des pays riches, cette industrie profite d’un fort degré de concentration, alors que la structure des marchés des pays en développement est très éclatée. Dans ces conditions, le voyagiste du Nord peut mettre en concurrence les prestataires d’une même région, ou de régions d’un même pays, et s’emparer de l’essentiel de la valeur ajoutée.