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À la raffinerie de Grandpuits, « Total justifie la casse sociale par la transition écologique »
Article mis en ligne le 9 janvier 2021
dernière modification le 8 janvier 2021

Depuis lundi, les salariés de la raffinerie Total de Grandpuits sont en grève pour protester contre la transformation du site en usines spécialisées dans le bioplastique et les biocarburants. Soutenus par des élus et des associations écologistes, ils dénoncent une fausse conversion écologique mais une vraie casse sociale.

Depuis lundi 4 janvier, les salariés ont déclaré une grève reconductible afin de protester contre le projet de reconversion imposé par Total en septembre dernier. La multinationale souhaite en effet stopper l’activité de raffinage et la remplacer par une usine de production d’agrocarburants, une usine de recyclage de plastiques, ainsi que par la première usine européenne de bioplastiques fabriqués à partir de sucre. Deux centrales solaires photovoltaïques viendront couronner le tout. Sur le papier, ce projet coche toutes les cases pour faire rêver ceux qui croient que le pétrolier va se transformer en géant vert. (...)

Le groupe assure qu’il maintiendra 250 postes sur les 400 et créera 15 emplois dans l’usine de bioplastiques. Mais pour les salariés, le compte n’y est pas. « Pour tous les CDD, surtout les jeunes de la région, c’est la porte direct. Alors que cette raffinerie était leur seule perspective d’avoir des boulots mieux payés que le SMIC et de sortir de la précarité », dit Adrien Cornet, élu CGT.Même si les débuts de cette alliance sont encore laborieux, Adrien Cornet s’affiche satisfait : « Les écolos commencent à comprendre que si on veut convaincre les travailleurs de se battre pour la planète, il faut d’abord leur assurer la fin du mois. » Ainsi, à Grandpuits s’esquisse le début d’une nouvelle ère, où des salariés réfléchissent à leur reconversion dans une industrie moins polluante ; où des ONG font passer les besoins des travailleurs avant l’urgence climatique. Au final, une lutte sociale dans laquelle l’emploi n’est pas sacrifié sur l’autel d’une fausse transition écologique. (...)

La souffrance des salariés, incertains quant à leur avenir

Ces jeunes en contrat court ne peuvent d’ailleurs pas faire grève. Durant l’assemblée générale, quelques jeunes femmes écoutent les débats. Elles sont en CDD au sein du laboratoire et sont bien conscientes qu’elles ne seront pas embauchées, en dépit des postes vacants dans leur unité, mais préfèrent ne pas s’épancher. La souffrance des salariés quant à l’incertitude face à leur avenir est réelle. Depuis l’annonce du plan de reconversion, les risques psychosociaux ont été multipliés par deux. Une situation déjà vécue par Florian Bourget qui travaillait au sein de la raffinerie de Petit-Couronne, en Seine-Maritime, fermée en 2013. Un coup dur pour la région. « Je me souviens que la boulangerie du village a fermé tout comme le bar. Et puis j’ai deux collègues qui n’ont pas supporté et se sont suicidés. Je ne veux pas que cela arrive ici. » (...)

« Total ne veut pas sortir du pétrole, mais simplement délocaliser son activité dans les pays aux normes plus faibles pour faire encore plus de profits », assure Bénédicte Monville, conseillère régionale écolo de Seine-et-Marne (Groupe Alternative écologiste et sociale [AES]) venue à Grandpuits pour soutenir les grévistes.

Pourtant, dans un article publié dans Les Échos, le groupe pétrolier assurait que la demande de carburant est en baisse annuelle de 4 à 5 % en France. « Les 4,5 millions de tonnes de carburant qu’on sort chaque année chez nous, elles vont bien venir de quelque part. Je suis sûr qu’ils vont les importer », répond Adrien Cornet, de la CGT. (...)

Le prétexte écologique n’a donc convaincu personne : ni les salariés, ni les syndicats, ni les ONG environnementales qui se sont réunies dans un collectif afin de réfléchir à un plan de reconversion alternatif. Une alliance inédite entre des acteurs aux intérêts qui sont parfois divergents. (...)

Même si les débuts de cette alliance sont encore laborieux, Adrien Cornet s’affiche satisfait : « Les écolos commencent à comprendre que si on veut convaincre les travailleurs de se battre pour la planète, il faut d’abord leur assurer la fin du mois. » Ainsi, à Grandpuits s’esquisse le début d’une nouvelle ère, où des salariés réfléchissent à leur reconversion dans une industrie moins polluante ; où des ONG font passer les besoins des travailleurs avant l’urgence climatique. Au final, une lutte sociale dans laquelle l’emploi n’est pas sacrifié sur l’autel d’une fausse transition écologique.