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Libération
A la SNCF, « un gamin de 26 ans se suicide et vous trouvez ça normal ? »
Article mis en ligne le 25 mai 2018

Lundi matin, Julien 26 ans, cheminot au technicentre de Pantin et militant SUD rail s’est jeté sous un train en prenant son service. En plein conflit sur la réforme de la SNCF, ce drame, qui intervient un an après le suicide d’un autre cheminot, repose la question du mal-être dans l’entreprise.

(...) Pour Mathieu Borie, délégué SUD rail à Paris Est, s’il ne faut pas tirer de conclusions hâtives, les circonstances laissent à penser que le contexte professionnel a pu jouer un rôle. « Il s’est suicidé en se rendant sur son lieu de travail un lundi de Pentecôte. Ça rend incontestable le fait que sa situation professionnelle était problématique, avance-t-il. Mais il faut faire attention à ne pas chercher des réponses simples à une situation compliquée. »

Les trois-huit
Deux de ses collègues de service décrivent un « bon gars » avec « un gros caractère ». Arrivé dans le service d’entretien des freins il y a cinq ans, il avait pris sa carte au syndicat SUD rail. Un jeune homme que l’on surnommait « Doudouce » pour sa gentillesse, collectionneur de voitures et passionné de mécanique, son ancien métier. « Il déconnait beaucoup, c’était un bon vivant, discret mais toujours franc. C’était quelqu’un de dur. C’est pour ça quand on a appris la nouvelle, on ne l’a pas crue », disent-ils. Ils répètent, comme pour s’en convaincre : « C’était quelqu’un de dur. »

Les deux amis décrivent aussi un contexte familial parfois difficile et se souviennent qu’il était suivi depuis longtemps par un psychologue. « Il pouvait avoir des soucis familiaux, sentimentaux et financiers mais c’est le professionnel qui a sans doute été la goutte d’eau », assure l’un d’eux. Il se souvient qu’il y a six mois, « la direction lui a demandé de faire les trois-huit » au technicentre de l’Ourcq, à Pantin. « Ils l’ont forcé, alors qu’ils savaient qu’il était suivi psychologiquement. Mais il était célibataire et sans enfants et ils manquent de personnes pour faire ça. » Des faits également évoqués par d’autres collègues de son service comme déclencheurs d’un mal-être chez le cheminot. Car Julien Pieraut vivait à Chauny avec sa mère et sa sœur, dans l’Aisne, à plus d’une heure et demie de route. « C’est de l’acharnement, il faisait déjà trois heures de trajet par jour et on lui demande de faire des horaires décalés », dit l’un des deux collègues.

Arrêts maladie et sanctions
Au fil des mois, le cheminot accumule les retards et les absences injustifiées. « Ils (la direction, ndlr) pensaient qu’il faisait du cinoche, qu’il avait juste un bon médecin qui lui signait des arrêts maladie », regrette l’un d’eux. Selon eux, ces absences lui auraient coûté des sanctions disciplinaires et des retraits de salaire, jusqu’à n’avoir à la fin « qu’une feuille de paye à trois chiffres », aggravant du coup ses soucis financiers. « Dernièrement, ils lui ont retiré 400 euros sur sa paye », avancent-ils. Mathieu Borie, délégué de Paris-Est, évoque lui aussi prudemment des sanctions disciplinaires à l’encontre du jeune homme sans pour autant dresser de lien direct avec le suicide. Les deux amis disent aussi avoir tenté de lui trouver un logement plus proche de son lieu de travail, sans succès, jusqu’à ce que Julien Pieraut demande sa mutation, sans, là non plus, l’obtenir. (...)