
Avec sa concentration record de méga-porcheries, la commune finistérienne de Plouvorn est un symbole de l’intensification de l’élevage et de ses conséquences. Enquête sur un coin de Bretagne où rien n’échappe aux cochons. Ni l’eau, ni l’air, ni la mairie.
- Plouvorn, dans le Finistère, est une capitale du porc industriel français. 80 % des élevages dépassent les 2.000 animaux et sont donc classés dans la plus haute tranche des installations à risques pour l’environnement. Malgré cela, un projet gigantesque se prépare.
- La commune est la plus émettrice d’ammoniac en Bretagne, un gaz précurseur de particules fines dangereuses pour la santé. La qualité de l’eau n’est pas meilleure et le point de captage d’eau potable est fermé depuis 2007 pour cause de pollution.
- Le poids de l’élevage porcin se fait sentir dans le quotidien des habitants : interdictions très régulières de la baignade dans le plan d’eau, élus sous pression, menaces sur des lanceurs d’alerte… Le porc s’immisce partout, du drapeau des supporters de l’équipe de foot jusqu’à la mairie.
Plouvorn est une petite commune qui n’a jamais fait parler d’elle. Pourtant « le village aux 100.000 cochons » est un champion national de l’élevage intensif. Sur les routes étroites qui mènent au bourg, le long de champs remembrés de choux et de pommes de terres, des semis-remorques transportent chaque jour des centaines de porcs vers l’abattoir.
A Plouvorn il y a 2.900 habitants et près de 80.000 porcs (...)
« Avant c’était un territoire pauvre, les paysans avaient peu de terre, donc ils ont fait du hors-sol pour produire beaucoup sur de petites surfaces. Ici, on leur a toujours dit produisez, produisez, produisez », retrace l’agriculteur. Ce virage productiviste, pris entre la fin des années 1960 et le milieu des années 1970, a radicalement transformé le paysage local. De la multitude de petites fermes, dix-sept exploitations porcines ont survécu. Dans le Léon libéral-conservateur qui a accouché du leader agricole Alexis Gourvennec, elles ont atteint des proportions sans commune mesure à l’échelle nationale. (...)
13 piscines olympiques de déjections animales
Chaque année ou presque, de nouvelles demandes d’extension sont déposées auprès des services de l’État. 1.742 places en plus en 2016 pour l’un, 3.040 l’année suivante pour un autre. Le dernier projet en date a été déposé en 2020 par la société Calarnou. Le but : 14.000 places supplémentaires de porcs à engraisser.
Si ce projet se concrétisait, cette porcherie deviendrait la deuxième plus grosse de France avec une production annuelle de 45.600 porcs charcutiers. Talonnant la SA Kerjean, établie dans la commune voisine de Taulé. (...)
À ce jour, aucune autorisation n’a été accordée, indique la préfecture du Finistère. Le dossier – celui qui a été analysé par l’Autorité environnementale – a été retoqué, mais un second est en cours de constitution, selon une source préfectorale. Un permis de construire calibré pour cet agrandissement a bien été déposé en mairie à l’automne 2021. Interrogé, le maire de Plouvorn, Gilbert Miossec, nie son existence, en dépit d’échanges de courriels prouvant le contraire, consultés par Mediapart et Splann !. Quant à l’éleveur, il n’a pas répondu à nos questions.
Le prix environnemental de l’élevage intensif
Plouvorn est un pilier du secteur porcin, mais le revers de cette médaille est un désastre écologique (...)
Des données qui ne semblent pas inquiéter le maire de la commune, Gilbert Miossec. « Il faut arrêter de stigmatiser les éleveurs, de gros efforts ont été faits sur le plan technique pour réduire les émissions. Ce n’est pas le problème le plus important ».
Et pour cause, il y en a d’autres. « Il y avait une belle rivière à Plouvorn, l’Horn, qui a été complètement flinguée. On avait du saumon, de la truite, des anguilles… Il ne reste presque plus rien », s’inquiète un pêcheur local, photographies à l’appui. Il a assisté à plusieurs épisodes de pollution de la rivière, notamment des déversements d’effluents agricoles. Un projet de recherche est en cours, mené par un laboratoire de l’Université de Bretagne occidentale, pour évaluer précisément l’état de ce cours d’eau. Les premières conclusions des scientifiques font état d’un « hydrosystème altéré » par diverses pollutions liées à l’agriculture intensive. (...)
Des millions investis mais toujours pas d’eau potable (...)