
Yaya est un Ivoirien vivant dans la capitale avec sa femme et ses deux enfants. Samedi, toute sa famille a bénéficié d’une mise à l’abri, sauf lui. Une situation qui n’est pas une exception.
Chaque soir de cet automne, Yaya (1), 31 ans, sa femme et ses deux enfants ont cherché un bout de bitume parisien où passer la nuit. Ils ont erré jusqu’à trouver un endroit où ils se sentiraient un peu en sécurité. Parfois, c’est à la gare du Nord qu’ils trouvent du repos. D’autres, à la Porte de la Chapelle, dans le nord de la capitale. Ces Ivoiriens sont sans papiers – leur demande d’asile est en cours d’instruction. Il y a un peu plus d’un an, ils ont quitté leur pays à cause de « soucis familiaux ». La famille a traversé l’Afrique jusqu’à la Libye, puis la Méditerranée sur un bateau de fortune jusqu’à l’Italie. Leur rêve : s’installer en France, dans l’ancien pays colonisateur, et offrir une scolarité à leur aînée de 11 ans. « Mais on s’est retrouvés à la rue à notre arrivée à Paris il y a un an et ma femme est tombée enceinte ici. Elle a accouché à l’hôpital Lariboisière il y a un mois et demi. Quatre jours plus tard, on dormait de nouveau dehors dans le froid avec le nouveau-né. Un enfant si jeune à dormir dehors, on était trop inquiets », souffle Yaya.
Ces derniers jours, avec d’autres familles, ils se sont installés devant l’hôtel de ville de Paris pour réclamer une mise à l’abri de l’Etat. Samedi soir, ils ont été entendus : un bus a été affrété pour les emmener au chaud, dans un gymnase. Mais à leur grande surprise, les pères n’ont pas pu monter avec les femmes et les enfants. « Il y avait 50 places ouvertes dans deux gymnases pour 24 femmes et 14 enfants. Les six pères de famille sont restés dehors », constate Flore Judet, coordinatrice de communication à l’association Utopia 56 qui les accompagne. « C’était très très injuste. Je n’ai pas compris pourquoi nous avons été séparés », regrette Yaya les yeux cernés, qui a dormi seul la nuit passée sous un pont Porte de la Chapelle. (...)
Ce dimanche matin, Yaya, sa femme et ses enfants se sont retrouvés près de la gare du Nord dans le petit appartement prêté pour quelques heures par un ami. Ils ont pu s’y réchauffer et y boire un café. Le paternel, le plus fatigué des quatre, dénonce cette mise à l’écart forcée, induisant qu’il n’aurait pas de rôle à jouer dans l’éducation de ses enfants. « Chaque jour, je donne les biberons au petit. C’est moi qui vais conduire ma fille à l’école parce que ma femme a accouché il y a peu. Comment je vais faire maintenant si je dors à la rue et que je suis séparé d’eux ? Qui conduira ma fille à l’école ? Ma femme ne peut pas supporter ça toute seule », déplore l’Ivoirien entre deux gazouillis du bambin.
Selon les constats menés par Utopia 56, lors des quatre précédentes mises à l’abri de familles opérées par la préfecture de Paris, les pères ont été laissés à la rue à trois reprises. (...)
Ça se répète et on a du mal à l’expliquer. La préfecture n’adapte pas les dispositifs aux besoins. Il y a une non-volonté de prise en charge qui est criante », estime Flore Judet (...)
Tentes lacérées au couteau
Ces dernières semaines, de nombreuses tentes ont été installées dans le nord de Paris, où deux évacuations de campements ont eu lieu en novembre. Pour la plupart des familles tout juste arrivées dans l’Hexagone (...)
Les conditions de vie y sont difficiles pour ces personnes, souvent tout juste arrivées en France et parfois accompagnées de très jeunes enfants – des images filmées par Utopia 56 montrent que des tentes ont été lacérées au couteau par des policiers ce week-end. Contactées, la préfecture de police de Paris et la préfecture de région n’ont pour le moment pas répondu à nos questions. (...)