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Mediapart
À Paris, les associations bataillent pour ouvrir le centre d’accueil « Ukraine » à tous les exilés
#hebergement #a la rue
Article mis en ligne le 24 décembre 2022

Elles luttent depuis des mois pour que les exilés de toutes les nationalités puissent être hébergés au centre d’accueil réservé aux Ukrainiens à Paris, où une centaine de places restent vides chaque soir. Les associations Utopia 56 et Médecins du Monde ont été déboutées devant le Conseil d’État.

« En refusant l’accès aux dispositifs Ukraine à toutes les personnes, le Conseil d’État confirme une politique d’accueil différenciée entre les Ukrainiens et les autres exilés à la rue. »

C’est le constat que fait l’association d’aide aux exilé·es Utopia 56, au lendemain de la décision tombée lundi 19 décembre, dans laquelle le Conseil d’État rejette le recours de plusieurs associations (dont Médecins du Monde). Ces dernières réclamaient depuis des mois l’ouverture du centre d’accueil « Ukraine », porte de la Villette à Paris, à tous les exilés sans distinction de nationalité. (...)

« Alors que la saturation des dispositifs d’hébergement de droit commun n’est pas contestée, la dégradation des conditions climatiques, se traduisant notamment par des températures nocturnes très basses, contribue à rendre la situation des personnes dépourvues de solution d’hébergement extrêmement difficile et à aggraver les risques et dangers auxquels elles sont exposées. La concomitance avec des places vacantes dans le dispositif [Ukraine] en est rendue encore plus regrettable », reconnaît le juge des référés dans l’ordonnance du Conseil d’État.

S’il reconnaît que les flux de personnes arrivant en provenance d’Ukraine ont diminué, il estime que le centre doit pouvoir conserver sa « capacité opérationnelle » et répondre à « certains afflux soudains », dans un contexte où un cinquième des arrivées se ferait entre minuit et 6 heures du matin en moyenne en décembre. Autrement dit, des ressortissants ukrainiens qui arriveraient au centre en pleine nuit se retrouveraient sans solution d’hébergement si les places vacantes avaient déjà été attribuées. (...)

Le 19 décembre pourtant, Olivier Klein, ministre du logement, créait la surprise et annonçait avoir réquisitionné ce même centre la veille, pour permettre la mise à l’abri de familles repérées en maraude. « Le gouvernement s’était engagé à ce qu’il y ait zéro enfant à la rue, cette promesse est tenue ! »

Ce soir-là, Utopia 56 soulignait que 108 personnes en famille se présentaient à ses équipes, comme chaque soir place de l’Hôtel-de-Ville à Paris, parce qu’elles n’avaient aucune solution d’hébergement. « L’ouverture de ces places aurait permis la mise à l’abri immédiate de la grande majorité d’entre elles », pointe l’association.
Une centaine de places disponibles chaque soir en moyenne

« Le fait que le ministre du logement ait décidé d’ouvrir le centre pour la mise à l’abri d’autres personnes est quand même une bonne nouvelle », commente une travailleuse du centre, implanté dans le « Paris Event Center », dans le XIXe arrondissement. Elle observe et dénonce, depuis des mois, un « accueil à deux vitesses » entre les ressortissant·es d’Ukraine et les autres personnes exilées. (...)

Selon les derniers chiffres que Mediapart a pu obtenir, 90 personnes occupaient cette semaine l’espace réservé aux Ukrainiens – sous un chapiteau –, pour une capacité totale de 250 places. La partie du centre actuellement ouverte pour les mises à l’abri du Samu social (un hall distinct du chapiteau) permet d’accueillir jusqu’à 200 personnes en situation de rue, tous profils confondus. « C’est non négligeable », poursuit cette travailleuse. Mais cette réquisition devrait être temporaire. (...)

« On observe une politique de “fast-pass” quand on nous a toujours dit qu’il était impossible de donner un titre de séjour et d’ouvrir les droits à la Sécurité sociale pour tout le monde. »

L’employé dénonce également des températures très basses sous le chapiteau réservé aux Ukrainiens, qui auraient déjà conduit à réorienter des personnes vers d’autres structures d’hébergement. « On s’échine à chauffer un centre qui est très mal isolé. C’est évidemment mieux que la rue mais certaines nuits, ça reste compliqué à cause du froid. Sans compter les dépenses d’énergie inutiles dans le contexte que l’on connaît. »

Selon nos informations, du « gaspillage alimentaire » aurait aussi été observé, notamment le week-end, lorsque le centre est géré par l’association Coallia. En semaine, les surplus de nourriture seraient « redistribués » à des associations parisiennes pour éviter de « jeter », ont confirmé plusieurs sources. « De manière générale, tout gâchis alimentaire est dommageable. Ça l’est encore plus quand la structure accueillante est à moitié pleine », déplore l’une d’elles.
« Les inégalités de traitement sont toujours là »

« Vouloir laisser des places disponibles pour un public qui n’est pas là est grotesque », réagit Ian Brossat, adjoint à la maire de Paris en charge du logement, de l’hébergement d’urgence et la protection des réfugiés. (...)