
Assis près d’un brasero, Moubarak ne fait plus attention aux gaz d’échappement ni aux immondices proches de sa tente : cachés comme lui sous le périphérique, les ponts ou l’autoroute, plus de 2.000 migrants dorment aujourd’hui à Paris, dans des conditions sanitaires épouvantables.
"Il y a beaucoup de Soudanais ici, des Erythréens, des Somaliens aussi", explique le Soudanais de 20 ans, en montrant le rond-point où une centaine de tentes sont serrées, porte de la Villette. Le lieu est difficile d’accès, en contrebas du périphérique, bruyant et d’une insalubrité stupéfiante, avec des déchets et des gravats amoncelés sur le sol.
Mais après "deux ans en France à dormir dehors", Moubarak espère que les choses vont s’arranger : il a pu se faire enregistrer en préfecture en septembre et attend son rendez-vous à l’Ofpra pour demander l’asile. Avec, espère-t-il, plus de chances que son compagnon de tente, qui "a le statut de réfugié" mais dort ici "depuis quatre mois".
Les campements avaient quasiment disparu de Paris après l’évacuation, en juin, de celui installé près de la porte de la Villette. Les forces de l’ordre se sont depuis efforcées d’empêcher toute reformation en délogeant les migrants dès leur installation, les rendant quasi "invisibles" selon les associations qui ont tiré la sonnette d’alarme fin décembre.
"Des milliers de personnes (...) se partagent les interstices des villes", ont affirmé 14 ONG dont Médecins sans frontières et le Secours catholique dans une tribune commune, accusant l’Etat de "mise en danger délibérée" des migrants.
Mais depuis l’automne, la situation a changé. Plus de 200 tentes sont installées sous l’autoroute A1, derrière la porte de la Chapelle, essentiellement occupées par des Afghans. Une grosse centaine d’autres, des Africains, s’égrène sur l’avenue Wilson, à Saint-Denis. Porte de Clignancourt, 250 personnes se sont installées sur le trottoir... (...)
A la Ville de Paris, on souligne qu’"entre mi-octobre et mi-décembre, il n’y a quasiment pas eu de mise à l’abri". "Tous les moyens sont sous-dimensionnés par rapport aux besoins" d’hébergement, ajoute-t-on.
– 1.200 places (...)
Autre difficulté pour les associations, la proximité de "la colline du crack", un campement de toxicomanes implanté porte de la Chapelle. "On sent une porosité", s’inquiète Philippe Caro de l’association Solidarités migrants Wilson, qui voit "la santé physique et mentale se dégrader" chez les migrants.
"C’est une catastrophe, il faut une mise à l’abri d’urgence", ajoute le bénévole.
Le préfet a promis vendredi un renforcement "ces prochains jours" des moyens d’hébergement des demandeurs d’asile, avec "1.200 places de mises à l’abri pour migrants" qui vont ouvrir "très prochainement" en Ile-de-France.