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À Marseille, la colère des victimes de la rue d’Aubagne ne tarit pas
Article mis en ligne le 5 février 2019

Le 5 novembre 2018, deux immeubles de la rue d’Aubagne, à Marseille, s’effondraient, tuant 8 personnes. Trois mois après, la situation de près de 2.000 habitants évacués reste précaire, alimentant la colère contre « l’incurie » et « le mépris » du maire et de son équipe. Reporterre fait le point, en images.

05-11-2018. La date est inscrite à la peinture rouge sang sur les murs et les trottoirs du centre-ville. Elle marque les esprits et les trois mois d’une catastrophe qui n’en finit pas à Marseille. À 9h 5 du matin, lundi 5 novembre 2018, les numéros 63 et 65 de la rue d’Aubagne se sont effondrés, engloutissant sous les décombres la vie de huit habitants. À eux seuls, ils représentaient la mixité du quartier de Noailles, l’un des derniers populaires en plein centre d’une ville européenne.

Ils habitaient ou étaient de passage au numéro 65. (...)

L’effondrement a levé le voile sur un problème qui touche tragiquement Marseille, comme d’autres communes françaises, celui de l’habitat indigne. 40.000 logements sont ainsi qualifiés dans la cité phocéenne, ce qui concerne 100.000 habitants.

Dans le vent de panique qui a suivi le 5 novembre, des milliers de personnes ont été évacuées précipitamment par les services municipaux vers des hôtels. À ce jour, sur 2.000 personnes ainsi déplacées, seulement 500 ont été relogées ou sont retournées dans leur logement. Les évacuations continuent. (...)

Pour les associations, collectifs et citoyens qui montent au créneau, cette situation résulte d’une politique de délaissement du centre-ville et des quartiers populaires au profit d’une « politique vitrine » faite de grands projets, à l’image du nouveau stade Vélodrome. « La stratégie, c’est de laisser pourrir pour ensuite racheter peu cher et changer la population par des opérations immobilières », résume Carole Lenoble, architecte et membre de l’association Un centre-ville pour tous. (...)

Comment vivent la rue d’Aubagne et les « évacués » trois mois après ce drame ? Reporterre s’est rendu sur les lieux. (...)

Dans la rue de La Palud, à Noailles (1er arrondissement). Le numéro 41 menace d’emporter dans sa chute le numéro 43 dans un scénario similaire à celui de la rue d’Aubagne. La mairie a décidé de les « déconstruire ». La destruction devrait débuter ce mardi 5 février. D’autres destructions sont programmées, dont des immeubles appartenant à la ville. (...)

Laura a rejoint le Collectif du 5 novembre - Noailles en colère, constitué pour réagir politiquement. Le 14 novembre, il a organisé la « marche de la colère » pour dénoncer les responsabilités des pouvoirs publics. Devant la mairie, sur le Vieux-Port, la tête de cortège a été accueillie par les lacrymogènes. « On a été surpris par la soudaineté et l’ampleur de la violence. C’était avant les Gilets jaunes, on n’était pas préparés », dit Laura. Puis, en remontant vers Noailles et La Plaine, des policiers en civil ont agressé tous types de personnes, parfois des gens qui n’avaient même pas participé à la manifestation. « On a été gazé sur La Plaine jusqu’à une heure du matin. Ils recherchaient la sidération pour dissuader les néo-manifestants de ne plus aller dans la rue », dit Laura. Avec d’autres, elle a monté un groupe de travail sur les violences policières, qui a recueilli 70 témoignages concernant cette soirée du 14 novembre. (...)

Marseille en colère organise un rassemblement pour demander la réquisition des logements vides. Ironie, cette rue, qui a été rachetée par des fonds de pension en 2004, est devenue un martyr de la gentrification. Les personnes de toutes classes sociales qui y habitaient ont été virées pour refaire des appartements promis à des gens plus aisés. En 2016, l’association un Centre-Ville pour tous estimait que 1.000 appartements y étaient vacants. L’État s’est engagé à en louer 75 pour reloger des personnes évacuées. « Une goutte d’eau », reconnaît le ministre du Logement, Julien Denormandie. (...)

Le 2 février, une nouvelle manifestation est partie du cours Julien vers le Vieux-Port pour protester contre la politique municipale. De 5.000 à 10.000 personnes y ont participé. La mobilisation s’enracine dans la durée. Une coalition inédite d’une quarantaine d’associations, de collectifs et de syndicats de salariés de multiples quartiers ont lancé quelques jours plus tôt un Manifeste pour un Marseille vivant et populaire. « Pour la mairie, une ville populaire est un problème. Pour nous, c’est la solution. C’est l’espace historique où se tissent les solidarités qui tiennent Marseille debout », y est-il proclamé.