
Cela discute ferme, ce samedi 25 mai, dans une grande salle du conseil régional du Nord Pas-de-Calais où se déroule, comme dans treize autres régions de France, la "Journée citoyenne du débat sur la transition énergétique".
Ce débat a été engagé depuis plusieurs mois par le gouvernement, mais en dehors des entreprises du secteur, des experts et des écologistes, presque personne n’est au courant de son déroulement. Alors cette journée citoyenne permet de faire entendre la voix des "citoyens", alias "vraies gens" ou la "France d’en bas". Et ce que disent les gens est concret et réfléchi. (...)
Ces discussions animées n’ont pas lieu par hasard. Le débat est organisé selon une méthode mise au point au Danemark il y a deux décennies, afin de faire participer les citoyens de manière informée aux choix technologiques.
La journée du 25 mai a d’ailleurs été supervisée par des membres du Danish Board of Technology (Bureau danois de la technologie), qui a mis au point la méthodologie, afin de s’assurer que son déroulement respecte les règles de cet outil qui a fait ses preuves.
Les citoyens ont été choisis au hasard, mais en veillant à ce que les groupes soient à peu près représentatifs de la population : sexe, âge, catégorie sociale, lieu d’habitation (rural ou urbain), etc. Ils sont volontaires et bénévoles. (...)
Avant la journée de débat, ils ont reçu une formation, sous forme d’un livret pédagogique sur l’énergie, écrit par un comité pluraliste pour veiller à ce que le discours ne soit pas orienté dans un sens ou dans l’autre. La journée de débat suit elle-même des règles précises : les citoyens sont répartis sur diverses tables en groupes de six à huit. Ils vont discuter successivement de quatre thèmes ("pourquoi la transition énergétique", "comment maitriser la consommation d’énergie", "quels choix stratégiques opérer", "comment faire").
A chaque séquence, la composition des tables est redistribuée. A chaque table, un facilitateur anime la discussion, pour faire parler tout le monde et veiller à ce qu’on reste centré sur le thème. Enfin, un questionnaire est distribué à chaque citoyen : à la fin de chaque séquence, un temps est réservé pour le remplir. Tous les questionnaires sont collectés, les réponses sont saisies par les organisateurs, qui les renvoient au centre national, et celui-ci agrège les données et les analyse. (...)
Tout s’enchaine sans anicroche, et les citoyens jouent le jeu, engagés et réfléchis. Pourquoi tant de sérieux ? "Parce que je suis content qu’on nous demande notre avis, dit Olivier. Autrement, il y a les élections tous les cinq ans et on n’a rien à dire. Là, on peut s’exprimer."
A Paris, pendant ce temps, dans une salle du ministère de l’écologie, une équipe rassemble les résultats des questionnaires envoyés de toutes les régions. Elle se félicite aussi du succès de l’opération, une première en France : partout, on a joué le jeu, les citoyens sont venus et participent activement. (...)
les résultats seront en ligne dans la soirée, et une présentation détaillée aura lieu lundi 27 mai. Le représentant du Danish Board of Technology approuve : "C’est la bonne méthode." Et cette synthèse, que dit-elle, justement ?
Que la transition énergétique est perçue comme une chance, plutôt que comme une contrainte. Elle est nécessaire pour réduire la pollution et protéger l’environnement, ainsi que pour réduire les importations, qui pèsent sur l’économie française. Un fort désir d’économiser l’énergie – pour limiter les dépenses – émerge aussi.
Encore faut-il que les solutions techniques existent et que l’Etat les soutienne par des dispositifs fiscaux appropriés. Enfin, alors que le nucléaire est peu présent dans le débat – un effet de la formulation des questionnaires qui l’évacuaient presque –, l’idée de création d’emplois par la transition énergétique et le souhait de relocaliser la production d’énergie apparaissent nettement.
Tout ceci influencera-t-il le débat global sur l’énergie ? Il aura en tout cas permis de faire entendre d’autres points de vue que celui des lobbies qui pèsent lourdement sur le processus. En tout cas, l’expérience montre que "ceux d’en bas" réfléchissent, ont des choses à dire, et sont ravis de pouvoir l’exprimer.