
« Maïdan » est le nom donné au territoire conquis par les manifestants aux forces de l’ordre. C’est là que l’opposition a organisé son quartier général, son centre de presse et ses armées.
Maïdan (indépendance en ukrainien) est devenu le cœur de la vague anti-Ianoukovitch, le président ukrainien.
Maïdan, village autogéré qui dit qu’il ne se rendra qu’au prix du sang de ses habitants. Plus de deux mois après le début du mouvement, ses milices les plus radicales sont prêtes à en découdre.
Le gouvernement a donné à l’opposition un délai de quinze jours pour vider les lieux et libérer les bâtiments administratifs occupés.
Vécu comme une provocation supplémentaire, cet ultimatum a fait perdre aux protestataires toute illusion d’une sortie de crise pacifique. De l’avis commun, la place ne sera libérée qu’une fois la démission du président Ianoukovitch obtenue. Les manifestants sont ainsi devenus des révolutionnaires. (...)Quant à la stratégie choisie depuis le début de la trêve, un garde me la résume en ces mots :
« S’ils font un pas en avant, nous avancerons d’un pas. S’ils font un pas en arrière, nous reculerons d’un pas. »
Il me confie également qu’il arrive que les jeunes policiers traversent les lignes pour apporter des vivres ou des vêtements chauds aux « revolutionnaires », chaque fois que le Berkut s’absente. Les jeunes policiers ont cela de commun avec les révolutionnaires : la crainte de cette section anti-émeute.
Kidnappings, torture, humiliation, meurtre, collaboration avec les titushkas (des hooligans employés par les forces de police pour renforcer leurs effectifs), ces officiers ne sont en effet pas réputés pour leur douceur ou leur générosité de cœur. Des accents russes moscovites se font entendre, preuve que la Russie s’est engagée matériellement dans le conflit.
Rock vs tubes kitsch
Au début de la trêve annoncée par l’opposition, les deux factions continuaient pourtant bien de s’affronter, mais d’une curieuse manière : au pointeur laser. Quand les révolutionnaires jouaient à passer le leur, de couleur verte, sur les régiments de police, ces derniers répondaient au pointeur rouge de leur arme.
Aujourd’hui, c’est à coups de basse qu’ils s’affrontent ; chacun écoutant sa musique, s’amusant à la jouer le plus fort possible : radio rock de l’opposition coté barricades, diffusion de tubes kitsch des années 90 côté police.(...)
A Maïdan, l’autogestion des manifestants permet à des milliers de personnes de manger, dormir et se chauffer chaque jour gratuitement depuis deux mois. Ils n’en ont pas moins des divergences sur le plan de l’endurance. Certains acceptent le déroulement des négociations et en supporte la lenteur, mais tout le monde n’a pas cette patience. La question étant de savoir si le rythme de négociation peut être rompu par une attaque des groupes de protestataires organisés en milice, et si une telle action rencontrerait l’approbation des manifestants (...)