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Mediapart
À Cayenne, un homme tué en marge de la mobilisation pour Nahel
#Nahel #violencespolicieres #emeutes
Article mis en ligne le 1er juillet 2023

Les tensions qui secouent l’Hexagone se sont propagées dans la nuit de jeudi à vendredi en Guyane. Un fonctionnaire territorial de 50 ans est décédé cité Stanislas à Cayenne, victime d’une balle perdue tirée par les émeutiers, selon les autorités. Mais plusieurs habitants du quartier affirment à notre partenaire Guyaweb que le coup de feu provenait des forces de l’ordre.

Dès 20 heures, répondant à un appel lancé sur les réseaux sociaux, plusieurs individus ont érigé des barricades à Cayenne, notamment dans la cité Mont-Lucas, où les forces de l’ordre sont intervenues pour permettre aux pompiers d’éteindre des feux de poubelles et de palettes et mettre fin au caillassage de véhicules de particuliers. (...)

D’autres quartiers du chef-lieu de Guyane (Novaparc, Village-Chinois), mais aussi de Matoury, Macouria et Kourou, ont également été le théâtre de violences urbaines.

205 policiers, gendarmes et sapeurs-pompiers ont été mobilisés jeudi soir. Trois interpellations ont eu lieu à Balata (Matoury) où un cocktail molotov a visé des gendarmes. Trois autres, concernant des mineurs, se sont déroulées à Mont-Lucas. (...)

Deux versions différentes

« Alors que la situation était figée et que les policiers se retiraient, un tir à belle réelle qui était destiné aux policiers a atteint au thorax un riverain qui était sur son balcon. Cette balle perdue l’a tué », a précisé le préfet. Une enquête pour homicide a été ouverte et confiée à la police judiciaire de Cayenne.

« De nombreux tirs à balle réelle ont visé les policiers » en cette même soirée, selon le commissaire divisionnaire Philippe Jos, directeur territorial de la police nationale en Guyane. La police n’a pas fait usage d’armes létales en réponse, mais « de LBD et de gaz lacrymogènes », explique-t-il.

« C’est une mort de trop. Ce niveau de violence gratuite est difficile à comprendre », a poursuivi le préfet Thierry Queffelec, qui dénonce une « instrumentalisation de la mort d’un ado ». Carl Tarade était fonctionnaire territorial au service démoustication de la Collectivité Territoriale de Guyane (CTG). (...)

Sur place, dans l’après-midi de vendredi, la version des habitants de la cité – dont certains affirment avoir été des témoins direct du drame – est totalement différente de celle des autorités. Pour Patrice, 33 ans, en vacances chez sa famille qui vit dans la résidence Stanislas, le coup de feu est parti des forces de l’ordre.

« Ça ne venait pas du fond, de Mont-Lucas, mais de là où étaient les policiers. Le calme était revenu quand ça a eu lieu, assure l’homme. Surtout, les policiers n’ont pas bougé quand il y a eu la détonation, comme s’ils n’étaient pas surpris. S’ils ont merdé, il faut assumer mais vu le climat, ils n’oseront jamais dire qu’il y a eu bavure. »

En tant que témoin, Patrice, qui précise ne pas cautionner les émeutes liées à la mort de Nahel, a été auditionné par la police judiciaire qui n’avait pas pris le soin de protéger la scène de crime, laissée aux quatre vents et à la vue des gamins du quartier.

J’étais devant la résidence, pas loin des policiers quand il y a eu le coup de feu, dit-il. La détonation venait de leur côté.

« La police est censée nous protéger mais je n’ai pas confiance en eux », explique un jeune du quartier qui préfère rester anonyme. Lui dit avoir « tout vu » de la scène hier soir. « J’étais devant la résidence, pas loin des policiers quand il y a eu le coup de feu, dit-il. La détonation venait de leur côté. Maintenant, c’est leur parole contre la nôtre et nous savons très bien que nous ne sommes jamais écoutés. C’est d’ailleurs déjà écrit dans la presse que ce sont les jeunes de Mont-Lucas qui ont tiré, alors que l’enquête n’est pas terminée. »

A l’heure où nous écrivons ces lignes, l’autopsie n’avait toujours pas été pratiquée. Elle devrait permettre de révéler le calibre utilisé et le type d’arme à l’origine du coup de feu. Le procureur nous a confirmé que le projectile n’avait pas été retrouvé, car « il est encore dans le corps de la victime ». (...)