Bandeau
mcInform@ctions
Travail de fourmi, effet papillon...
Descriptif du site
street press
À CALAIS, LES ASSOS ORGANISENT DES RONDES POUR PROTÉGER LES MIGRANTS DES VIOLENCES POLICIÈRES
Article mis en ligne le 7 décembre 2017

Depuis près de deux mois, plusieurs associations organisent des rondes de nuit pour protéger les migrants des violences policières et recueillir leurs témoignages. Ils en ont collecté une soixantaine.

« One more there », indique Toni dans un hochement de tête. Cramponnée à son volant, la petite brune annonce à John (1) l’emplacement d’un camion de CRS qui campe ce soir sur le Belgium Parking, une station-service bien connue des exilés qui veulent passer en Angleterre. Ce soir, les 2 bénévoles dénombrent 4 fourgonnettes de police dans ce petit périmètre, cerné de grilles surmontées de fils barbelés. Une zone occupée seulement par une forêt de semi-remorques et son lot de routiers à demi assoupis. « Je ne sais pas si tu as remarqué mais il n’y a personne ce soir », lance John à notre encontre.

Depuis deux mois, John et Toni découchent presque tous les soirs. Comme une vingtaine de militants, les deux jeunes gens veillent jours et nuits sur les quelques 500 exilés qui sont toujours à Calais. Caméras au poing, ils arpentent les lieux de passage. Le but de cette mission mise en place par plusieurs associations, dont l’Auberge des Migrants et Utopia 56 ? Filmer les violences policières et « les atteintes aux droits humains ». Les bénévoles ont récolté une soixantaine de témoignages. Certains feront l’objet d’une saisine du défenseur des droits. D’autres d’un dépôt de plainte. (...)

Sur un logiciel de messagerie cryptée, les 2 bénévoles rapportent leurs observations nocturnes à l’ensemble de l’équipe. Présence policière, plaques d’immatriculation des véhicules, témoignages rapportés par les habitants des différents campements… « Les réfugiés nous appellent aussi en cas de problème. On leur donne notre numéro », ajoute John. (...)

A 8h du matin, de petits groupes éparses se forment aux abords de la rocade. Peu à peu, les exilés sortent de leurs cachettes. Certains s’étaient installés au sommet de la dune qui dominent l’ancienne jungle. D’autres s’étaient planqués à l’abri, dans des camions vides stationnés non loin de là. Aux premières lueurs du jour, la police les déloge sans violence. « Les violences policières se sont calmées. On a connu un pic, il y a quelques mois, après la publication des différents rapports sur le sujet », explique Sylvain, qui participe lui aussi aux maraudes nocturnes. La nuit a été rude pour nombre d’entre eux. La veille, la police a visité plusieurs campements pour empêcher des « points de fixation » et confisquer sacs de couchage et effets personnels, expliquent plusieurs exilés et responsables associatifs contactés par StreetPress. Le procédé fait enrager Vincent De Coninck du Secours Catholique :
« Ici, l’Etat assume une stratégie de maltraitance. » (...)

LA GUERRE DES DUVETS
À Calais, cela fait plusieurs mois que cette guerre des duvets fait rage. Et elle va crescendo. Depuis le 1er octobre, les assos ont dénombré 46 destructions de campements. « Il y a quelques jours à la jungle afghane, les CRS sont passés avec des employés municipaux pour nettoyer la zone et prendre les duvets », détaille John :
« Un Afghan nous a raconté qu’alors qu’il dormait, un policier a déchiré la toile de sa tente avec un couteau. Il est passé à quelques centimètres de son visage. »
Mardi 5 décembre, la police a démantelé un petit campement d’exilés (link is external), installé sous un pont, à quelques encablures de la Mairie. Et embarqué au passage couvertures et baluchons. « La nuit, les policiers réveillent les exilés. Et presque tous les matins, ils passent avec des bennes pour jeter leurs sacs de couchages et leurs affaires à la poubelle », s’étrangle Vincent De Coninck :
« Il y a quasiment 1.200 policiers à Calais pour quelques centaines de migrants. On assiste à une véritable chasse. » (...)

LES ASSOS SE REBIFFENT
Les assos organisent la contre-attaque. Leur nouveau plan de bataille ? Prêter des duvets aux réfugiés. « On va distribuer entre 600 et 700 duvets et des bâches cet après-midi », annonce le Vincent de Conninck. Ils en distribueront finalement 300 au principal point de distribution, rue des Verrotières. Tous sont floqués aux couleurs des associations qui participent à l’opération.

Ces dernières se réservent le droit d’attaquer l’Etat en justice si les policiers venaient à les détruire : les duvets restent en effet la propriété des associations. Ils sont simplement prêtés aux réfugiés, contrats à l’appui. « Si on ne fait pas ça, les gens risquent de mourir de froid », alerte le boss du Secours Catholique :
« C’est un moyen qu’on avait pas encore utilisé. »
Mais la victoire risque d’être de courte durée craint Sylvain. « Dans l’après-midi, c’est possible que les policiers commencent à les confisquer », lâche t-il fataliste. Avant de se reprendre :

« Avec cette distribution, on sera au moins tranquille pour une semaine. » (...)