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Inégalités environnementales et fracture sociale : la grande confusion
#inegalités #criseclimatique
Article mis en ligne le 23 octobre 2023
dernière modification le 21 octobre 2023

Les inégalités environnementales sont à la mode, mais le débat est souvent confus. De quoi parle-t-on au juste ? Quelles sont les relations entre inégalités environnementales et sociales ? L’analyse de Louis Maurin, directeur de l’Observatoire des inégalités.

Le sujet des inégalités environnementales est un nouvel incontournable du débat sur les inégalités, mais il se déroule dans la plus grande confusion. Le sujet lui-même est très mal défini : que représente le mot « environnement [1] » ? De quoi est composé celui-ci ? De l’air qu’on respire, de l’espace dans lequel on vit, d’un territoire avec ses prairies, montagnes et cours d’eau ? S’il s’agit de l’air, alors c’est d’abord dans le monde du travail que les inégalités environnementales se posent en premier : selon le ministère du Travail (données 2016), les deux tiers des ouvriers non qualifiés respirent des fumées ou des poussières, autrement plus toxiques que l’air du métro parisien. Les cadres sont six fois moins souvent concernés. Réduire ces inégalités commence dans les usines et sur les chantiers.

Ensuite, on confond les inégalités d’exposition à la pollution – des inégalités effectivement liées à l’environnement – et l’impact socialement inégal des facteurs environnementaux sur la santé, qui sont des inégalités liées au milieu social. (...)

c’est pour les plus pauvres que l’impact de la pollution sur la santé est le plus important, non du fait de leur environnement, en moyenne moins mauvais que celui des riches dans la capitale, mais parce qu’ils sont en moins bonne santé et ont moins accès aux soins. On ne parle donc pas dans ce cas d’inégalités environnementales, mais de fracture sociale.

Enfin, on mélange les inégalités environnementales actuelles et les inégalités face à l’environnement entre générations. (...)

L’enjeu est majeur, il n’est pas uniquement social. Beaucoup semblent moins craindre les conséquences négatives de la pollution aujourd’hui – l’environnement est déjà un enfer dans certains pays – que les effets du dérèglement climatique pour eux ou leurs enfants.

Que faire de tout ça ? Commencer par agir vite pour améliorer l’environnement de tous. Investir massivement dans tout ce qui peut protéger des risques au travail, par exemple. Toutes les politiques de logement de qualité représentent en même temps des politiques environnementales et sociales. Ce qui est valable en France l’est encore plus au niveau mondial (...)

Réduire les inégalités environnementales commence par agir là où se produisent les biens.

Il faut se préoccuper du sort des générations de demain qui n’ont par définition que peu de manières de se mobiliser. Il s’agit de politiques sur des décennies, peu en phase avec le temps politique. Dans ce domaine, l’hypocrisie est énorme. (...)

Par ailleurs, les pouvoirs publics, tout en soulignant l’urgence économique, ont dépensé des milliards pour faire baisser les prix des carburants à la pompe sans tenir compte des niveaux de vie des automobilistes. Au final, c’est un soutien public à polluer plus.

Les discours sur l’écologie dite « punitive » – thème à la mode – n’ont pour but que de disqualifier les politiques publiques environnementales. Ils sont employés par les mêmes qui veulent punir à tour de bras dans d’autres domaines (...)

Faire de la politique, ce n’est pas implorer la population pour qu’elle se conduise bien gentiment et qu’elle accomplisse les « petits gestes du quotidien », c’est défendre des valeurs et des objectifs, puis en assumer les conséquences politiques. Sinon, c’est le régime de la démagogie qui s’installe.

Pour partie, les politiques environnementales vont de pair avec la réduction des inégalités sociales. (...)

Pour partie aussi, les inégalités sociales et environnementales s’opposent. Par exemple, nous savons depuis des décennies que nous devons payer plus cher les carburants pour préserver l’avenir de nos descendants. Que faire alors des ménages modestes dépendants de l’automobile ? La mise en place des zones à faible émission – qui visent à interdire la circulation des véhicules les plus polluants dans les grandes villes [3] – constitue une bombe politique au sein des catégories populaires qui vont être privées de déplacements, et donc parfois de leur travail. Pour que cette mesure « punitive » de santé publique soit acceptée, elle doit être bien davantage anticipée, explicitée et, surtout, accompagnée. (...)