
La coordination anti-repression de l’A69, qui regroupe des collectifs d’opposants au projet d’autoroute, a comptabilisé les gardes à vue, poursuites et détentions subies par les militants. Des dizaines de procès sont à venir.
(...) Un comptage établi par la coordination anti-rep (anti-répression) de l’autoroute (ARA), qui regroupe des collectifs menant la fronde, et publié dans un communiqué jeudi 8 août. Dans le détail, une personne a été condamnée et a purgé quatre mois de prison ferme, une autre six mois. Quatre militants ont écopé de six mois d’emprisonnement avec aménagement de peine, sous bracelet à domicile.
Parmi les militants recensés placés en garde à vue figure Geoffrey, professeur tarnais de 39 ans. « Ils cherchent à nous mettre la pression et à nous intimider », résume le membre de La Voie est libre (LVEL). Comme 9 autres militants de son collectif, d’Attac et du Groupe national de surveillance des arbres (GNSA), il a été placé en garde à vue le 30 mai dernier pour « complicité de dégradation de biens » et « violence sur gendarmes » lors de la manifestation du 9 décembre 2023 contre des centrales à bitume. À cette occasion, une cabane de chantier a été incendiée et une voiture du constructeur de la future autoroute NGE a été dégradée. Ils ont tous été relâchés sans poursuites au bout de quelques heures. (...)
« Ils m’ont traité comme un criminel, un terroriste. Je me suis même demandé s’ils ne s’étaient pas trompé de personne, car je n’ai jamais commis d’acte de violence », soupire Jérôme, encore secoué. Après l’interpellation, il a souffert d’une triple fracture au visage, qui lui a valu une opération, comme l’atteste un certificat médical.
Malgré son état, Jérôme a été interrogé. Poursuivi pour « violences sur personne dépositaire de l’autorité publique », il a d’abord nié les faits au cours de l’audition, mais a fini par « cocher la case [admettant sa responsabilité], pour sortir au plus vite de cet enfer ». Il a été transféré au tribunal de Castres pour être jugé, toujours le 25 avril, en « comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité » et a, finalement, plaidé l’innocence. (...)
il tentait de ravitailler les « écureuils », ces militants perchés dans les arbres menacés d’abattage, à Saïx. On l’aperçoit avec un sac de vivres, projeté au sol par un gendarme, dans une vidéo publiée par La Voie est Libre sur Instagram. Malgré la demande, adressée par le rapporteur spécial des Nations unies aux autorités françaises, d’autoriser « sans délai et sans entrave du ravitaillement en nourriture et en eau potable », dans un rapport publié trois jours plus tôt, les gendarmes ont empêché les militants d’accéder aux arbres.
Face au tribunal, Jérôme, « dans un état second », a de nouveau cédé face à « la menace d’une peine alourdie ». À l’issue d’un procès qu’il qualifie d’« expéditif », il a écopé de 10 mois de prison avec sursis probatoire de deux ans pour « violence sur personne dépositaire de l’autorité publique » qui aurait entraîné plus de huit jours d’incapacité totale de travail (ITT) pour un gendarme. Il a fait appel de sa condamnation et porté plainte pour « violence par personne dépositaire de l’autorité publique » au cours de son interpellation, qui lui a valu, en plus de son opération, 10 jours d’IT (...)
Dans son dossier, « il n’y a rien d’autre que les deux dépositions de deux gendarmes qui disent m’avoir vue », assure Loup. « Je ressens le poids d’un procès politique dont les enjeux me dépassent totalement. La question ne portait pas sur les faits. Il ne s’agissait pas de déterminer si j’avais jeté des cailloux. J’étais forcément coupable parce que j’étais sur place. J’étais coupable d’être contre l’A69 », analyse la militante. Le verdict est tombé : un an de prison avec sursis et deux ans d’interdiction de paraître dans le Tarn. « Pour moi, ça veut dire : range-toi, arrête de militer », conclut la militante, qui a fait appel de la décision.
Une « méthode pour affaiblir la lutte » (...)
D’abord, « procéder à des “interpellations d’opportunité”, c’est-à-dire attraper des personnes aléatoirement ». Puis « imposer une garde à vue en prétextant un important délit prononcé sans preuve, tel que violences sur agents ». Dans les tribunaux, « la défense est très souvent méprisée dans des procédures judiciaires accélérées, et avec une présomption de culpabilité », estime l’ARA.
« Ils essayent de démotiver les militants » (...)
À partir de la rentrée, « une quarantaine de procès sont à venir », annonce l’avocate de plusieurs militants opposés à l’A69, Claire Dujardin. Selon elle, tous les « écureuils » qui ont grimpé dans les arbres ou se sont attachés aux machines ont été placés sous contrôle judiciaire. L’opposition à ce projet défendu au plus haut niveau de l’État fait l’objet d’une « politique pénale particulière », d’après l’avocate.
« L’État veut montrer qu’il ne cédera pas », résume-t-elle. (...)
Le garde des Sceaux appelait à un « traitement judiciaire spécifique » des « infractions commises dans le cadre de contestations de projets d’aménagement du territoire ». Le message envoyé cinq mois avant le début des travaux de l’A69 a visiblement été reçu par les magistrats du Tarn. Contacté, le parquet de Castres ne nous a pas répondu.