
Depuis l’élection de Donald Trump, un rapport pointe la recrudescence en ligne de commentaires misogynes et autres attaques sexistes encourageant la régression des droits des femmes et la culture du viol.
"Ton corps, mon choix. Pour toujours". Postée dans le sillage de la réélection de Donald Trump à la Maison Blanche, la publication misogyne de Nick Fuentes, "influenceur" masculiniste et suprémaciste blanc, a généré plus de 91 millions de vues sur X, et quelque 35 000 partages.
Détournant le slogan féministe "My body, my choice" (mon corps, mon choix) – utilisé dès la fin des années 1960 comme cri de ralliement pour défendre le droit de chacune en matière de choix sexuels, matrimoniaux et reproductifs –, le message posté au petit matin de l’élection américaine a suscité de nombreuses réactions. Et amorcé une recrudescence d’attaques sexistes et misogynes sur les réseaux sociaux. (...)
Le lendemain de l’élection de Donald Trump, l’ISD a enregistré une augmentation de 4 600 % des mentions des phrases "Your body, my choice" et "Get back in the kitchen" (retourne à la cuisine) sur X.
Selon l’ISD, les auteurs de ces messages "semblent utiliser les résultats des élections comme une structure d’autorisation pour défendre de manière plus ouverte et plus agressive des discours sur la limitation des droits des femmes." (...)
"Le patriarcat est de retour", commente sous une autre publication de Nick Fuentes, Myron Gaines, hôte du podcast masculiniste "Fresh&Fit" dont le slogan n’est autre que "Transforming Simps to Pimps" ("simps" étant un terme argotique désignant des hommes trop attentifs et supposément soumis aux femmes – équivalent français de "canards" – ; et "pimps" signifiant littéralement "proxénètes", et désignant des hommes contrôlant les femmes, elles-mêmes considérées comme des prostituées). (...)
Sur X comme sur Facebook et TikTok, pullulent les commentaires de membres de la "manosphère" (communautés masculines en ligne promouvant les croyances, attitudes, comportements et discours antiféministes et sexistes) galvanisés par la réélection de Donald Trump qu’ils "exploitent comme un encouragement à limiter les droits reproductifs et les droits des femmes", note l’ISD, qui craint que "l’impact sur les femmes" ne s’étende "à la prochaine élection présidentielle et au-delà."
C’est ainsi que des "influenceurs" comme Andrew Tate (plus de dix millions d’abonnés sur X), connus pour leur rhétorique antiféministe, encouragent de manière ouverte et assumée la régression des droits des femmes. (...)
Le modèle Trump
La hausse du harcèlement en ligne montre que les masculinistes et activistes d’extrême droite en ligne se sentent encouragés par le résultat d’une élection que beaucoup ont "considérée comme un référendum sur les droits reproductifs des femmes", estime notamment CNN alors que ceux-ci reculent depuis plusieurs années aux États-Unis. (...)
Par ailleurs, en matière de sexisme, Donald Trump fait figure de modèle. (...)
Reconnu coupable dans l’affaire Stormy Daniels en mai 2024, ce qui a fait de lui le premier ancien président américain à être condamné par la justice, Donald Trump a également été condamné pour abus sexuels sexuels de diffamation vis-à-vis de E. Jean Carroll, une ancienne journaliste qui l’accusait de l’avoir agressée dans les années 1990. Des affaires qui n’ont pas empêché l’ancien président d’être réélu à la Maison Blanche, après une campagne 2024 ponctuée de perles sexistes.
Lors d’un meeting dans le Wisconsin, fin octobre, Donald Trump avait notamment affirmé qu’il protégerait les femmes "qu’elles le veuillent ou non". Quant à son colistier, le vice-président élu J.D. Vance, il s’est quant à lui illustré par sa critique acerbe des "childless cat ladies" (en français, "femmes à chat sans enfant"), et pour avoir qualifié Kamala Harris de "poubelle" (trash). (...)
Menaces et appels au viol
Au-delà de ces nombreuses provocations en ligne, les experts craignent que le harcèlement à l’égard des femmes qui semble aujourd’hui se normaliser ne se propage ailleurs que sur les réseaux sociaux.
Selon le rapport de l’ISD, "des jeunes filles et des parents ont témoigné sur les réseaux sociaux de cas de harcèlement hors ligne" impliquant l’utilisation de l’expression détournée "ton corps, mon choix". Selon l’ISD, "cette phrase leur a été adressée à l’école, ou a été scandée par de jeunes garçons en classe".
Dans ce climat de tension, les droits des femmes semblent de nouveau fortement menacés aux États-Unis. (...)
Face à cette vague de haine misogyne, la résistance s’organise. Des femmes (et des hommes) organisent déjà des campagnes sur les réseaux sociaux pour faire front, répondant aux agressions sexistes et rappelant que les droits durement acquis par les femmes ne peuvent être remis en cause.
Peu après la publication de Nick Fuentes, son adresse aurait été rendue publique sur X, certains de ses détracteurs ayant réagi à son post misogyne en publiant des photos et des documents fonciers apportant des informations sur la localisation de son prétendu domicile.
Sur le terrain des réseaux sociaux, selon CNN, un porte-parole de TikTok a déclaré que l’expression "ton corps, mon choix" violait les règles communautaires de la plateforme et que tout contenu l’utilisant serait dorénavant supprimé, à moins qu’il ne condamne explicitement un tel langage.