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Vous avez dit terrorisme ?
#israel #palestine #Hamas #terrorisme #repression
Article mis en ligne le 3 juillet 2024
dernière modification le 1er juillet 2024

Dans les semaines qui ont suivi le 7 octobre 2023, toute personne invitée dans les grandes émissions, que ce soit à la télévision ou à la radio, était sommée de répondre à une question préalable : le Hamas est-il une organisation terroriste ? Une forme d’injonction qui clôt le débat avant même qu’il ne commence, explique Alain Gresh dans son formidable livre, Palestine : un peuple qui ne veut pas mourir. Plus encore, cette injonction, visant à faire taire toute critique de la politique de l’Etat israélien, s’est avérée être un formidable instrument de répression de la liberté d’expression et des mobilisations pro-palestiniennes. Comme le rappelle Alain Gresh, 626 inculpations pour « apologie du terrorisme » ont été lancées à la date du 30 janvier. Pour rouvrir justement ce débat, et sans bien entendu imposer à notre tour un diktat opposé, interdisant tout usage du vocable terrorisme en général, ou pour qualifier les crimes sur population civile du 7 mars, nous invitons à lire le chapitre 2 de ce livre indispensable, intitulé précisément « Du bon usage du terrorisme ». Nous en reprenons ici, avec l’amicale autorisation de l’auteur et de l’éditeur, les premières pages.

Premier extrait : « Un génocide d’atsmophère »

Au-delà de ses contours indécis et de son emploi sélectif, l’usage du concept de terrorisme tend à dépolitiser les analyses et par là même à rendre impossible toute compréhension politique des problèmes soulevés, évitant ainsi qu’ils trouvent une solution.

L’usage de la violence par des groupes armés non étatiques est aussi vieux que le monde moderne. Il a pris des formes multiples que le mot « terrorisme » ne peut ni englober, ni définir. (...)

. Terroriste ? « J’étais considéré comme tel durant l’Occupation avant d’être reconnu comme résistant » rappelait, de retour de Gaza, Stéphane Hessel le 28 avril 2009.

Comme l’analysait le chercheur Alain Joxe dans Le Monde diplomatique (avril 1996), « si on doit désigner sous le même vocable toutes les activités politiques ayant recours aux violences extrêmes, le terrorisme cesse d’être un concept utile à l’analyse stratégique car il recouvre toutes les actions de force, lesquelles visent toujours à terroriser. En revanche, le mot “terrorisme” a eu une grande utilité pour manipuler les opinions. (...)

Quand on réduit les affrontements à l’échelle internationale ou même nationale à un combat de titans entre le Bien et le Mal, on s’engage sur une voie minée ne pouvant déboucher que sur la catastrophe et la défaite. (...)

Des méchants d’hier aux dirigeants d’aujourd’hui

Tous les mouvements de libération de la seconde moitié du XXe siècle ont, à un moment ou à un autre, utilisé le terrorisme, au sens d’attaques contre des civils. Le Congrès national africain (ANC) l’a fait de manière limitée, le Front de libération national (FLN) algérien sur une échelle plus vaste. On peut le regretter. Mais, à la fin de l’histoire, les méchants d’hier sont devenus les dirigeants d’aujourd’hui et les Occidentaux l’ont acté sans barguigner.

Les Israéliens les premiers devraient se rappeler les retournements de perspectives. (...)

La France ne vient-elle pas d’accueillir au Panthéon Missak et Mélanie Manouchian – ces dirigeants de « l’armée du crime » dénoncée par les autorités d’occupation allemandes et par les collaborateurs français – dont les héritiers ont été invités à la cérémonie d’hommage ?

Le cas du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) condense les contradictions occidentales, entre délire idéologique et pragmatisme obligé. Cette organisation figure sur la liste des « organisations terroristes » européenne et états-unienne ; on peut même être inculpé d’apologie du terrorisme pour un soutien purement verbal au PKK. Pourtant, en 2014-2015, les dirigeants occidentaux lui ont transféré des armes pour arrê- ter l’offensive de Daech en Irak et défendre la ville de Kobané, ce qu’elle a fait avec un héroïsme qui fut largement salué à travers le monde. Des Occidentaux ont participé à ces combats, en faisant le parallèle entre leur action et celle des Brigades internationales durant la guerre d’Espagne. Étaient-ils des terroristes ? (...)

L’ANC a aussi utilisé la violence et, de manière ponctuelle, le terrorisme – comme l’a acté la commission Vérité et réconciliation, qui a analysé les actions militaires de l’organisation, la mort de civils, mettant aussi en lumière la difficulté de définir les « victimes civiles » (un colon armé est-il un civil ?) [2].

Mais les conditions de sa lutte ont facilité un choix de modération. Elle disposait d’alliés solides à l’échelle internationale, engagés concrètement avec elle dans son combat. Elle pouvait compter sur le soutien de l’URSS et du camp socialiste, d’un mouvement des non-alignés déterminé, et plus tard d’une vaste campagne de boycott en Occident – que personne ne songeait à criminaliser – et qui ébranla les soutiens du capitalisme sud-africain à l’apartheid, alors qu’il a fallu une bataille d’une décennie en France pour que la cour d’appel de Paris finisse par reconnaître en octobre 2023 la légalité du boycott. (...)