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Basta !
Urgence climatique : « Le programme du Nouveau Front populaire est le plus progressiste »
#electionslegislatives #extremedroite #urgenceclimatique #RN #climatoscepticisme #FrontPopulaire
Article mis en ligne le 29 juin 2024
dernière modification le 27 juin 2024

Le climatoscepticisme du Rassemblement national nous mène tout droit vers le chaos, alors que « nous n’avons que quelques années devant nous pour opérer la transition », alerte Aurélien Boutaud, chercheur spécialiste des limites planétaires.

Basta ! : « Notre maison brûle et nous regardons Netflix » déplorez vous dans votre dernier ouvrage Déclarer l’état d’urgence climatique, « comme si la réalité que nous dépeignent les climatologues était une fiction ». Dans quelle mesure le Rassemblement national participe t-il de ce climato-relativisme ?

Aurélien Boutaud : Le RN ne s’est jamais vraiment intéressé à l’écologie, encore moins au climat. Certains élus RN sont climatosceptiques, d’autres considèrent que les membres du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec) « exagèrent » alors que c’est exactement le contraire. Ce qu’on peut reprocher au Giec, c’est sans doute d’avoir été trop prudent et précautionneux dans ses messages par le passé.

Le discours du RN consiste à dire : « même s’il y a un problème, ce n’est pas si grave ni si urgent que ça ». Cela participe à relativiser l’urgence en prétendant qu’« on a le temps ». C’est ce que j’appelle le gradualisme climatique, qui est très fort au sein du RN. C’est une manière pour ce parti de détourner l’attention vers d’autres sujets, alors que ce qui devrait occuper toute notre attention, c’est l’urgence climatique et la transition écologique.

Au niveau actuel du réchauffement climatique, à +1,1 °C environ par rapport à l’ère préindustrielle, la planète est susceptible de passer cinq « points de bascule », c’est-à-dire un seuil critique au-delà duquel un système peut changer de manière abrupte et irréversible, comme la disparition de la calotte glaciaire du Groenland et de celle de l’Antarctique de l’Ouest ; le dégel des sols gelés en permanence ; la disparition des coraux ; et la perturbation de la circulation océanique dans l’Atlantique Nord. Sur quelle trajectoire nous mènerait l’attentisme du Rassemblement national ?

L’application du programme du RN se traduirait très probablement par une augmentation des émissions de gaz à effet de serre de la France à court terme. La France ne tiendrait pas ses engagements de limiter le réchauffement à 1,5°C ou 2°C. Or, en l’état, un réchauffement de +1,5°C au niveau mondial pourrait suffire à déclencher de nouveaux « points de bascule », avec des risques d’emballement qui risqueraient de nous faire changer de régime climatique d’ici à la fin du siècle. (...)

La question des migrants climatiques va s’imposer à nous dans les années et décennies à venir. Regarder toujours, comme le fait le RN, à court terme et à l’intérieur des frontières nationales est complètement irresponsable. C’est refuser de prendre nos responsabilités. (...)

nous n’avons toujours pas même commencé à réduire les émissions mondiales. Il faut donc un changement radical et rapide dans notre organisation sociétale pour aller vers la neutralité carbone.

C’est la raison pour laquelle il est pertinent de parler d’urgence climatique d’un point de vue scientifique. Nous n’avons pas 30 ans devant nous pour faire cette transition. On a tout au plus 5 ou 6 ans. Après, ce sera trop tard pour atteindre les objectifs fixés dans le cadre de l’Accord de Paris de 2015. C’est pour cela qu’il faut d’emblée mettre en place des politiques climatiques extrêmement ambitieuses. Tout cela ne pourra pas se faire qu’à l’échelle de la France, mais elle peut jouer un rôle pionnier. (...)

La situation climatique est d’une gravité inédite et exige des réponses radicales, écrivez-vous. Le programme du Nouveau Front populaire est-il à la hauteur ? (...)

Le Nouveau Front populaire a pris le parti d’avoir des engagements qui sont encore gradualistes. Ils vont dans le sens d’une atteinte des objectifs qu’on s’est engagés à tenir dans le cadre des négociations internationales, à savoir la neutralité carbone en 2050. Ces propositions s’inscrivent dans la continuité et l’accélération de ce qu’il s’est fait au cours des dernières années.

Ça s’explique aussi par le fait qu’on a un conglomérat de partis plus ou moins en accord sur les questions environnementales. Entre le parti communiste qui est resté quand même dans une approche très productiviste et les Verts, les consensus ne sont pas toujours faciles à obtenir. Mais dans ce qui est sur la table aujourd’hui, c’est clairement le programme le plus progressiste en matière d’environnement. (...)

Les mouvements populistes comme le RN sont effectivement tournés sur des promesses de très court terme, et ne parlent jamais du long terme. Or, la question est de savoir si la démocratie sera encore possible demain si nous ne menons pas une politique d’urgence climatique aujourd’hui. Or, il me semble évident qu’on n’arrivera pas à maintenir des formes d’organisation sociale démocratique dans un climat à +4°C. C’est paradoxal, mais si on n’agit pas fortement aujourd’hui, les capacités d’action des générations futures seront considérablement amoindries. (...)

Il y a quand même une bonne nouvelle du côté des démocraties : ce sont les régimes qui sont les mieux équipés pour faire face aux situations de crise ou d’urgence. Et l’avantage d’une situation de crise comme l’urgence climatique, par rapport à une urgence sanitaire comme le Covid, c’est qu’on a un peu plus de temps pour organiser le débat démocratique.

On peut imaginer plusieurs plans d’urgence climatique, plus ou moins technologiques, plus ou moins tournés vers le nucléaire, les énergies renouvelables ou la sobriété, et avec plus ou moins d’innovation sociale, politique, économique ou technologique. Ces choix peuvent encore être arbitrés démocratiquement, en mettant par exemple en œuvre des conventions citoyennes pour débattre du plan d’urgence climatique qui nous semble le plus souhaitable. Il ne s’agit pas d’imposer des solutions, comme on l’a fait en situation d’urgence sanitaire, mais de choisir parmi plusieurs. (...)

Heureusement, quelques cas dans l’histoire de l’humanité nous montrent que l’humanité est parfois capable de soulever des montagnes, et d’atteindre des objectifs qui paraissent complètement fous. (...)

Techniquement et politiquement, éviter le chaos climatique est encore faisable. Mais il faut une mobilisation totale de la société. C’est là-dessus que repose aujourd’hui l’espoir.