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France24
The Base : ces néonazis américains, agents du chaos de la guerre en Ukraine
#guerreenUkraine #neonazis
Article mis en ligne le 22 juillet 2025

Le récent assassinat d’un agent des services des renseignements ukrainiens a été revendiqué par un groupuscule néonazi américain baptisé The Base. Ce mouvement, inscrit en 2024 sur la liste des organisations terroristes par l’Union européenne, affirme vouloir créer une enclave ethniquement blanche dans l’ouest de l’Ukraine.

Ils ont averti que ce n’était que le début. Des membres autoproclamés du groupuscule néonazi nord-américain The Base ont revendiqué sur Telegram l’assassinat à Kiev et en plein jour d’un responsable du SBU, le service de contre-espionnage ukrainien, le 10 juillet.

Depuis lors, ces militants suprémacistes multiplient, sur les réseaux sociaux, les appels à l’avènement d’une enclave territoriale ou même d’une Ukraine 100 % "blanche". Le tout sur fond de soupçon de manipulation par des espions russes, souligne le Guardian, dans un article publié mercredi 16 juillet.

Les autorités ukrainiennes ont d’ailleurs affirmé avoir abattu deux individus soupçonnés d’être derrière le meurtre de l’agent du SBU et les ont accusés d’être liés aux services de renseignements russes. Ils n’ont fait aucune référence à The Base.

Des néonazis accélérationnistes

Ce groupe, fondé en 2018 aux États-Unis, n’a fait son apparition que très récemment sur le sol ukrainien. À l’origine, ces nénonazis "se présentaient comme les membres d’un groupe survivaliste afin de ne pas trop attirer l’attention des autorités américaines", souligne Joshua Farrell-Molloy, spécialiste des sous-cultures extrémistes sur Internet à l’université de Malmö.

Mais ils n’ont pas fait beaucoup d’efforts non plus pour cacher leur penchant idéologique extrémiste. (...)

En sept ans d’existence, The Base "s’est hissé au rang de principal réseau néonazi accélérationniste", affirme Joshua Fisher-Birch, spécialiste des mouvements d’extrême droite qui suit l’évolution de The Base depuis sa création pour le Counter Extremism Project, une ONG américaine de lutte contre l’extrémisme.

L’accélérationnisme est un courant particulièrement violent de la mouvance suprémaciste "qui s’est développée depuis une dizaine d’années et prône une accélération de l’effondrement de la civilisation occidentale afin de créer un contexte favorable à une révolution néonazie pour instaurer une société suprémaciste", résume Paul Jackson, historien de l’extrémisme à l’université de Southampton. (...)

Et pour y parvenir, ces néonazis ne reculent pas devant la violence et les attentats afin de déstabiliser l’ordre établi. Dans cette nébuleuse terroriste d’extrême droite "The Base a toujours eu la réputation d’être un peu plus hardcore que les autres", précise Joshua Farrell-Molloy.

En général, les groupuscules ou militants néonazis accélérationnistes se mobilisent surtout sur Internet en essayant de se motiver les uns les autres à commettre des actions violentes de loup solitaire pour faire avancer la cause accélérationniste. The Base a un modus operandi plus ancré dans le réel et "met davantage l’accent sur les rencontres en personne et l’entraînement en commun pour être prêt [pour l’effondrement de la civilisation occidentale, NDLR]", note Joshua Fisher-Birch. Plusieurs membres de ce réseau ont d’ailleurs été arrêtés entre 2019 et 2021 et ont été accusés d’avoir élaboré des plans pour commettre des meurtres sur le sol américain.

The Base et l’internationale des néonazis

The Base conçoit également sa "révolution" néonazie de manière globale, sa vision d’une "internationale blanche" rejette aussi les approches nationalistes. Le groupuscule revendique une implantation aux États-Unis, en Australie, en Afrique du Sud et dans plusieurs pays européens comme l’Espagne ou la Bulgarie.

Pour autant, il ne faut pas s’imaginer une armée de néonazis prêts à déferler sur le monde occidental. "Pour eux, ce n’est pas le nombre qui compte. Ces accélérationnistes, qui ne sont pas nombreux, se considèrent davantage comme un fer de lance ou une avant-garde plutôt qu’une organisation de masse", explique Paul Jackson. (...)

C’est donc en Ukraine que The Base semble avoir décidé de passer à l’attaque de manière ostentatoire. "Ce qui est intéressant, c’est que Rinaldo Nazzaro, le dirigeant de ce mouvement, ne s’est déclaré favorable à des actions violentes dans le contexte actuel qu’en Ukraine", souligne Joshua Fisher-Birch. Ailleurs, il juge que ce serait contre-productif et qu’il vaut mieux se préparer pour le fameux inévitable effondrement du monde occidental.

Pourquoi cette exception ukrainienne ? Un traitement à part qui s’explique, en partie, par l’accélérationnisme. "Il s’agit de savoir saisir les opportunités qui naissent des contextes instables. Et avec la guerre, les autorités ukrainiennes sont déjà fragilisées", note Joshua Farrell-Molloy. (...)

Le but "ne serait pas de se contenter de son petit territoire et de devenir des fermiers ou que sais-je, mais de s’en servir comme base d’opération et d’être en état de guerre constante contre l’extérieur", explique Joshua Fisher-Birch. Autrement dit, la Transcarpatie de The Base créerait un autre front à l’ouest pour l’Ukraine. Un scénario rêvé pour la Russie. (...)

The Base et Rinaldo Nazzaro ont d’ailleurs été accusés, au mieux, de servir involontairement les intérêts russes, au pire d’être téléguidés par les services de renseignement russes. Des accusations qui ont, en partie, émané de la mouvance néonazie (...)

"The Base en Ukraine a aussi annoncé qu’ils étaient prêts à offrir des récompenses pour des attaques menées contre des infrastructures ukrainiennes. Un aspect financier qui fait davantage penser à des opérations soutenues par les services russes qu’à de simples actions idéologiques", suggère Joshua Farrell-Molloy.

Sans compter qu’il est difficile d’imaginer une poignée de néonazis réussissant à prendre le contrôle d’une région entière de l’Ukraine. Et l’opération ressemble, à ce titre, davantage à une distraction dont Kiev se serait bien passé et qui arrange Moscou. Néanmoins, les experts interrogés admettent toutefois qu’il peut s’agir d’une coïncidence malencontreuse, où les intérêts des néonazis et ceux de Vladimir Poutine s’alignent parfaitement.