
Cette année est l’une des plus sanglantes dans les territoires palestiniens occupés. Les colons tuent, massacrent et tabassent des Palestiniens en toute impunité, sous le regard bienveillant des soldats de l’armée israélienne qui leur fournissent à la fois un soutien militaire et une protection constante.
Le bruit assourdissant, semblable à une succession de coups de tonnerre, de la brise-roche hydraulique inquiète fortement les Palestiniens du village d’Umm al-Khair, ce 28 juillet 2025. Awdah Adhaleen, 31 ans, journaliste pour le magazine +972 et professeur d’anglais, lance une fois de plus un cri de détresse : « La pelleteuse des colons se trouve derrière la maison de Salim. Il semble qu’ils vont travailler là-bas. Ils ont fait appel à un ingénieur pour prendre les mesures du terrain. On verra bien ce qu’il va se passer. »
Jamais Awdah n’aurait imaginé qu’en ce jour, le colon Yinon Levi — propriétaire des engins de construction — le tuerait de sang-froid. Pourtant, Awdah Adhaleen était loin de Yinon Levi lorsque celui-ci a débarqué avec son arme à feu, terrorisant tous les Palestiniens du village, non armés. Ce terroriste a déjà été sanctionné par les États-Unis et l’Europe en 2024 pour des violations et abus graves des droits de l’homme. Trump a levé les sanctions contre les colons dès son arrivée au pouvoir en janvier dernier.
Ce lundi 28 juillet, la brise-roche hydraulique blesse l’un des membres de la famille, Ahmad Hadhaleen. Choqués, les enfants palestiniens présents jettent des pierres. Le colon, Yinon Levi, entre alors dans une rage noire et sort son pistolet. La scène est filmée et cela ne semble pas l’inquiéter. Des membres de la famille Adhaleen s’interposent courageusement face à lui. Le terroriste tire deux fois et touche Awdah qui s’effondre. Il avait pour habitude de rester à distance des colons lorsqu’ils attaquaient le village. Son travail consistait surtout à faire le lien avec les journalistes et les activistes. Il transmettait des informations et partageait chaque jour des vidéos de démolitions, d’agressions, de violences physiques et verbales infligées par les colons à sa communauté.
Son dernier message, avant d’être lâchement assassiné, est un cri du cœur : « APPEL URGENT : Les colons travaillent derrière nos maisons et, pire encore, ils ont tenté de couper la canalisation d’eau principale de la communauté. Ils construiront des caravanes. Nous avons besoin de tous ceux qui peuvent agir. Si vous pouvez contacter des personnes comme le Congrès, les tribunaux, etc., faites tout votre possible. S’ils coupent la canalisation, la communauté sera littéralement privée d’eau. »
Quelques heures plus tard, Awdah sera vidé de son sang. (...)
Une nuée de personnes se rend au village d’Umm al-Khair pour présenter leurs condoléances. Mais même dans les heures les plus difficiles, alors que les Palestiniens du village vivent leur tristesse à son apogée, les soldats israéliens qui contrôlent la zone d’Umm al-Khair ne montrent aucune compassion. Bien au contraire. (...)
Le lendemain, des jeeps militaires et des soldats israéliens cagoulés et armés jusqu’aux dents interrompent brusquement la cérémonie. Certains pénètrent dans les tentes réservées aux hommes, d’autres dans celles destinées aux femmes, violant leur intimité et le recueillement du deuil. Des activistes israéliens sont alors menottés après avoir tenté de s’interposer et refusé de partir. Les journalistes sont brutalisés, et des grenades assourdissantes sont lancées pour forcer les personnes à quitter les lieux au plus vite. (...)
« Nous venons à l’instant d’apprendre qu’Israël refuse de rendre le corps d’Awdah ici, à Umm al-Khair. Les autorités exigent qu’il soit enterré à Yata, une ville proche d’Umm al-Khair. Mais nous refusons. Awdah est né à Umm al-Khair et doit être enterré à Umm al-Khair », explique, exténué, un cousin, Khalil Adhaleen. « Ils veulent les torturer jusqu’au bout », s’indigne une activiste israélienne. (...)
Les mustawtin - les colons en arabe - n’ont aucune pitié à venir sur nos terres pour terrifier les enfants qui dorment » s’insurge Ahmad al-Hadalin, à bout de souffle, les yeux rouges de fatigue. « Il y a deux jours un colon s’est infiltré dans nos maisons et dans les sanitaires des femmes en les insultant » poursuit-il en désignant une petite structure préfabriquée. « Nous avons appelé la police mais personne ne vient. Nous exigeons de tout le monde une intervention urgente pour faire cesser ces violences ! »
Umm al-Khair est située juste en face de la colonie de Carmel - illégale au regard du droit international -, créée en 1981, délimitée par un simple grillage métallique. Le quotidien des Palestiniens y est infernal, lunaire, rythmé par les allers et venues kafkaïennes des colons qui espèrent bouter les habitants hors de chez eux. (...)
Chaque jour, les Palestiniens qui vivent d’activités pastorales se préparent au pire et restent sur leurs gardes. Une salle équipée d’un écran téléviseur offre une vue sur les alentours du village. Les résidents s’y relaient tour à tour pour surveiller leurs terres et alerter en cas d’intrusion de colons.
Des activistes venus du monde entier assurent également une rotation. « Ce soir, c’est moi qui suis de garde jusqu’à six heures du matin », lance fièrement Nicolas, 22 ans, venu de Grèce pour protéger les Palestiniens. « Je préfère passer mon été ici qu’ailleurs. C’est un devoir moral. »
Quelques heures plus tard, le soleil atteint son zénith. Un homme en t-shirt marron, kippa sur la tête, pantalon de treillis, accompagné d’un troupeau de moutons, débarque près des petites masures palestiniennes. Shimon Attia est le colon le plus notoire du village, réputé tenace pour son harcèlement sur les Palestiniens. « Donc c’est ma première confrontation avec ce terroriste. Tout le monde le connaît ici, même les enfants ! » lance sans langue de bois Ido Amiaz, un journaliste israélien qui documente la vie des Palestiniens. À 28 ans, il est l’un des rares israéliens à vivre en zone A, administrée par l’Autorité palestinienne. (...)
Depuis le 7 octobre 2023, l’organisation israélienne de défense des droits humains B’Tselem ne compte plus le nombre de démolitions de maisons, de coercitions, d’oppressions et de massacres perpétrés par des colons et l’armée israélienne à l’encontre des Palestiniens de Jérusalem-Est et de Cisjordanie occupée.
Une véritable traque encouragée par le gouvernement israélien d’extrême droite qui, le 23 juillet, par devers la Knesset - le parlement israélien - a voté l’annexion totale et définitive de la Cisjordanie occupée.
Au total, B’Tselem comptabilise 2 215 Palestiniens, dont 976 enfants, chassés de leur village. Dernier en date, la petite localité bédouino-palestinienne d’al-Mu’arrajat dans la Vallée du Jourdain.
Ils nous traquent jusqu’au bout (...)
Le 21 avril dernier, c’est Wael Basem Mohammed Ghafri, 48 ans, qui succombait, étouffait, asphyxié par le gaz ultra toxique et mortel lancé par les forces israéliennes pour protéger des dizaines de colons qui avaient pris d’assaut la ville de Sinjil, au nord de Ramallah.
« Mais de manière générale, nous évitons de nous plaindre car nous sommes effondrés par toutes les images que nous voyons sur nos smartphones de ce qu’endurent nos frères et sœurs à Gaza. C’est une hécatombe, la déshumanisation des Palestiniens à son plus haut point », souffle le petit Ayham, 12 ans, qui rêve de devenir maçon comme son papa. Le 28 juin dernier, des colons installent près de sa maison, des tentes en guise d’avant-poste — un petit établissement illégal visant à étendre la présence coloniale et le contrôle des terres palestiniennes pour faciliter la construction de colonies — sur les terres d’Asira al-Qibliya, au sud de Naplouse, en zone B, dressant une banderole en arabe avec ces mots : « La Palestine n’a pas d’avenir. » (...)
Amnesty International
Pétition Génocide à Gaza : la France doit mettre fin à l’impunité d’Israël