La Macronie, la droite et l’extrême droite ont rejeté en bloc les taxes sur les ultrariches, au premier rang desquelles la taxe Zucman, proposées par la gauche à l’Assemblée nationale. Cela confirme l’évidence : de justice fiscale dans ce budget 2026, il n’y aura pas.
Taxe Zucman, taxe sur les holdings, ISF climatique… Vendredi 31 octobre, jour de la fête d’Halloween, aurait pu être bien plus effrayant pour les ultrariches, Bernard Arnault et Vincent Bolloré en tête. En effet, ces mesures les concernant faisaient l’objet d’amendements des forces de gauche au projet de budget 2026, discutés et mis au vote à l’Assemblée nationale.
Mais les milliardaires français peuvent se rassurer : aucune de ces mesures censées répondre à la demande populaire de justice fiscale n’a été adoptée. Elles ont toutes été rejetées en bloc par la Macronie, la droite et l’extrême droite, avec le soutien du gouvernement.
« Voilà la Sainte-Alliance du fric ! », a pesté le député insoumis Matthias Tavel. Présent sur les bancs de l’hémicycle dès la fin de matinée, le premier ministre Sébastien Lecornu a observé, sans dire un mot, les propositions des Insoumis, écologistes, communistes et socialistes se faire découper une à une par leurs adversaires politiques, qui n’ont cessé de défendre l’idée qu’il serait néfaste pour la France de taxer davantage ses ultrariches.
Cette proposition, portée par la députée écologiste Éva Sas – qui avait déjà déposé une proposition de loi allant dans ce sens votée par l’Assemblée le 20 février 2025, mais rejetée au Sénat par la droite –, avait le mérite de s’attaquer à l’optimisation fiscale généralisée des ultrariches, en décalage avec la hausse importante de leurs fortunes depuis plus d’une décennie.
Mais ces arguments n’ont pas touché le bloc allant du centre macroniste à l’extrême droite. « Miroir aux alouettes », mesure « bolchevik », « taxe de feignant » : les député·es de ces différents groupes n’ont pas eu de mots assez durs pour qualifier la taxe Zucman, qu’ils et elles exècrent au plus haut point. (...)
La contre-proposition de taxe Zucman allégée faite par le Parti socialiste n’a pas eu davantage de succès, confirmant son pari bancal : elle consistait concrètement à augmenter le taux de la taxe à 3 % et à baisser le seuil à 10 millions d’euros de patrimoine.
Mais, en contrepartie, pour exonérer les entreprises dites « familiales », elle proposait d’exclure de son champ les actionnaires détenant plus de 50 % des titres de leur entreprise, ainsi que les propriétaires d’entreprises dites « innovantes ». Mais pour le centre, la droite et l’extrême droite, c’était toujours trop. Et l’amendement du PS a été balayé d’un revers de main.
Mais il y a pire : plus tôt dans la journée, avait été vidée de sa substance la proposition de taxe sur les holdings qui constituait l’article 3 du projet de loi de finances pour 2026 de Sébastien Lecornu. Cette proposition de taxe portée par Amélie de Montchalin était censée être la contre-proposition du gouvernement à la taxe Zucman, et se disait efficace pour lutter contre les pratiques des ultratriches qui font dormir leurs dividendes dans leurs sociétés holdings pour éviter l’impôt.
Elle était certes pleine de trous dans la raquette : elle exonérait de facto les milliardaires grâce à un mécanisme d’abattement sur la valeur de leurs participations dans leurs entreprises. Ainsi, son rendement annuel pour les caisses de l’État ne devait atteindre que 800 millions d’euros. Autant dire très peu.
Mais décidément rétifs à toute taxation des riches, les députés du centre, de la droite et de l’extrême droite sont allés plus loin dans les exemptions à cette taxe en votant un amendement du rapporteur général LR Philippe Juvin excluant les placements financiers (actions, obligations, produits structurés, fonds euros, etc.).
Bref, à ce stade, la taxe sur les holdings est une coquille vide. (...)
Le PS ne censure toujours pas
À force de se faire humilier par le gouvernement et ses soutiens qui ne comptent d’évidence pas céder d’un iota sur la taxation des riches, le Parti socialiste, par la voix de son président de groupe à l’Assemblée Boris Vallaud, a fini par hausser le ton à l’endroit de Sébastien Lecornu : « Monsieur le premier ministre, il n’y a pas, depuis que nous sommes dans cet hémicycle, le moindre compromis […]. Direz-vous aux malades, aux personnes en situation de handicap, que c’est eux qui vont payer, que c’est eux qui passeront à la caisse ? Ce qui se joue ici est essentiel : nous ne pouvons pas laisser la République sacrifiée sur l’autel de l’intransigeance de quelques-uns. »
La réponse de Sébastien Lecornu a été de botter en touche sur la partie recettes fiscales du budget de l’État, et de donner un espoir sur d’autres mesures : il s’est ainsi dit « favorable » à l’abandon du gel des pensions de retraite et des minima sociaux en 2026. Des mesures qui figurent dans le projet de loi de financement de la Sécurité sociale.
Il a ajouté que « la question du gel des retraites » n’était « pas acceptable » et a aussi sous-entendu qu’il soutiendrait la hausse de la CSG sur le patrimoine votée par les député·es en commission des affaires sociales. Sébastien Lecornu a enfin annoncé que « les ministres réuniront les parlementaires de tous les groupes pour définir les grands principes de tous les agrégats du budget de la Sécurité sociale et du projet de loi de finances ».
Bref, en guise de compromis, Sébastien Lecornu compte reprendre les consultations en catimini avec les différents partis politiques pour se mettre d’accord sur un budget in fine et échapper à la censure. (...)