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club de Mediapart/Sleeping Giants France, Collectif Citoyen
Sondages IFOP sur l’antisémitisme : zones d’ombre, confusions et biais
#sondages
Article mis en ligne le 14 décembre 2025
dernière modification le 12 décembre 2025

En novembre 2025 Aurore Bergé, Ministre déléguée chargée de l’Égalité entre les femmes et les hommes et de la Lutte contre les discriminations, déclare sur CNews : « Un jeune sur trois considère que c’est normal de s’en prendre physiquement à une personne, à un Français juif en raison de la situation au Proche-Orient ». D’où vient cette affirmation, qu’y a-t-il de vrai là-dedans ?

Un sondage IFOP a récemment défrayé la chronique. Supposé présenter l’état des lieux de l’Islam en France, aussi bien le commanditaire, une revue qui pourrait avoir des liens avec les Émirats Arabes Unis, que les nombreux biais méthodologiques dont on l’accuse on fait couler beaucoup d’encre. Ce n’est pas de ce sondage dont nous désirons parler, mais d’une série de deux autres, précédemment réalisés par l’IFOP et consacrés quant à eux à l’antisémitisme, son étendue, ses différentes formes et son évolution.

Chez Sleeping Giants, nous sommes particulièrement attachés à deux points : les données fiables, mesurables, qui donnent une indication incontestable d’un fait ou événement, et le sens des mots, leur détournement et leur abus. Le thème de ce sondage est l’antisémitisme, mais notre analyse aurait pu porter sur n’importe quel autre sondage, traitant par exemple de l’islamophobie ou LGBTQphobie. Ce sont les chiffres énoncés par la ministre qui nous ont surpris et nous ont décidés à en retrouver la source. (...)

Dans ce contexte, les formulations des questions du sondage doivent être irréprochables (...)

Menacer quelqu’un, le bousculer ou avoir un comportement agressif est condamnable, parfois répréhensible, mais n’est pas en soi antisémite même si le motif en était des positions vis-à-vis d’Israël.
L’auteur du sondage semble être parti du postulat que l’opposition à la politique d’Israël avait un caractère intrinsèquement antisémite, ce qui n’est pas le cas. (...)

Arrive alors la question la plus problématique du sondage :
Question : “Des Français Juifs sont pris à parti en raison de leur soutien réel ou supposé au gouvernement israélien. Comment qualifiez-vous ce comportement ? (Tout à fait justifié / Plutôt justifié / Plutôt pas justifié / Pas du tout justifié )”

Dans cette question, rien ne va.

(...)

Oublié le soutien “réel”, oublié, le fait qu’il puisse s’agir de confrontation verbale, les personnes ayant répondu à cette question par “plutôt justifié” sont directement qualifiés d’antisémites.

Le pas suivant, ajouter “physiquement” à la question déjà travestie, sera franchi allègrement.
D’après nos recherches (mais nous pouvons nous tromper), le premier à déformer la question en parlant de “s’en prendre physiquement” est Dominique Reynié, directeur de Fondapol, le think tank qui a commandité l’étude. Il aurait pourtant dû être particulièrement bien informé de la formulation des questions. Ou est-ce volontaire, pour exacerber l’angoisse et la peur ? Le but du sondage était-il de faire un état des lieux ou de confirmer ses propres préjugés ?

Cette fausse information sera ensuite reprise par Aurore Bergé, le 12 novembre 2025 sur CNews. La lutte contre l’antisémitisme n’a pas besoin qu’on force le trait, qu’on déforme ou qu’on mente. Au contraire, ces exagérations et entorses à l’éthique desservent profondément la cause qu’elles étaient censées soutenir. (...)

D’un ton assuré ne supportant aucune contestation, ce qui est le propre des IA même lorsqu’elles n’ont aucune idée de ce dont elles parlent, Grok invente donc la “formulation exacte” (sic) de la question pour correspondre à la fake news diffusée par Aurore Bergé. Et personne, ou presque, ne prendra la peine de vérifier.

L’ère de la post-vérité a commencé, et l’avenir s’annonce difficile.