
Une coalition d’une centaine d’ONG britanniques a publié un nouveau rapport sur le placement d’enfants dans des hôtels ou centres de détention aux côtés d’adultes, suite à une évaluation erronée de leur âge par le Home Office. Si l’équivalent britannique du ministère de l’Intérieur défend des "procédures solides", les ONG alertent sur des "cas d’exploitation et d’abus" touchant ces jeunes. (...)
Selon le rapport de la coalition, entre janvier et juin 2024, 63 autorités locales d’Angleterre et d’Écosse ont reçu 603 signalements de jeunes gens placés à tort dans des hébergements pour adultes ou en détention après des "évaluations d’âge erronées" du Home Office, l’équivalent britannique du ministère de l’Intérieur.
Parmi ces cas, 493 ont donné lieu à une évaluation de l’âge approfondie et plus de la moitié - 53 %, donc un peu plus de 250 jeunes - se sont avérés être des enfants.
Le Conseil des réfugiés, l’un des membres de la coalition, a déploré auprès de The Independent que malgré des "avertissements répétés", de nombreux enfants sont toujours "placés dans des situations dangereuses, avec un risque sérieux d’abus et de négligence". Le directeur général, Enver Solomon, pointe "des cas d’exploitation et d’abus qui menacent gravement leur santé mentale". (...)
Bien qu’il ait clamé sa minorité au centre de détention également, Marwan s’est retrouvé à partager une cellule avec un homme de 30 ans. Il a finalement pu téléphoner à un ami depuis la prison, qui a sollicité l’aide d’un bénévole rencontré en France. Celui-ci a mis en lien les deux jeunes avec le réseau Human for Rights Network, qui a tout de suite envoyé un avocat au centre de Manston.
Le Home Office défend des "procédures solides" et une volonté de continuer à "améliorer l’évaluation"
Grâce à l’intervention de l’avocat auprès de l’autorité locale, celle-ci a "confirmé qu’il n’y avait pas de motifs suffisants pour entreprendre une évaluation de l’âge et la date de naissance de Marwan a été acceptée." Quatre mois après le début de l’incarcération, le jeune homme a été libéré. Il est aujourd’hui pris en charge dans le programme dédié aux mineurs isolés de la collectivité.
Il souffre cependant de "problèmes de santé mentale, de troubles du sommeil, et il lutte pour parler de cette période en prison, durant laquelle il a été victime de violences", décrit le consortium d’ONG dans son rapport. (...)
De son côté, la coalition d’ONG demande à ce que la gestion par le Home Office de la détermination de l’âge soit restreinte. Les fonds publics "devraient être réorientés vers la formation et le soutien des autorités locales qui, en tant qu’experts de la protection de l’enfance, sont les mieux placées pour effectuer des évaluations sociales indépendantes", est-il recommandé aux parlementaires britanniques.
D’autant que la coalition estime que le nombre d’erreurs d’évaluations est en réalité "beaucoup plus élevé". Ses chiffres se basent en effet sur les données récupérées auprès des autorités locales. Or, toutes n’ont pas répondu à la demande d’informations des ONG. (...)
Des enfants qui disparaissent des radars
En juillet 2023, le Royaume-Uni avait été condamné pour avoir hébergé des mineurs demandeurs d’asile dans des hôtels sur de longues périodes et sans soin, alors que ce mode d’hébergement est censé être restreint à de très courtes périodes. L’hébergement de mineurs isolés dans les hôtels a en effet été expérimenté à partir de juin 2021, en raison du "nombre sans précédent d’arrivées de small boats", selon le Home Office. À l’époque, le ministère affirmait que cette mesure serait appliquée "le moins longtemps possible".
L’une des conséquences est que de nombreux jeunes disparaissent des radars, parce qu’ils fuient d’eux-mêmes ou tombent sous l’emprise de réseaux. Début 2023, le Guardian avait révélé que "des dizaines" d’enfants hébergés dans des hôtels de Brighton avaient été kidnappés par des réseaux de trafiquants (...)
La coalition Refugee and Migrant Children’s Consortium dénombrait 4 600 enfants hébergés dans des hôtels entre juillet 2021 et février 2023. Mais aussi 440 disparitions et 200 enfants qui n’ont jamais été retrouvés. Quelques mois plus tard, au moment de la condamnation de l’Etat à l’été 2023, au moins 154 mineurs étaient à nouveau portés disparus des hôtels où ils étaient hébergés. Dont un enfant de douze ans.