
Les premiers éléments de l’enquête auxquels ont eu accès Mediapart et Radio France révèlent que ce jeune Guinéen de 19 ans aurait été tué dans le dos par un policier. Et affaiblissent sérieusement la théorie de la légitime défense.
Il n’y avait ni images ni témoins. Il y a désormais quelques réponses et de nombreuses contradictions. Le 14 juin dernier, une quinzaine de jours avant la mort de Nahel, 17 ans, tué par un policier à Nanterre, Alhoussein Camara, 19 ans, subissait le même sort à Saint-Yrieix-sur-Charente, près d’Angoulême.
Il était lui aussi accusé d’avoir refusé d’obtempérer lors d’un contrôle et a été tué par un policier. Sans vidéo, ce drame avait été révélé dans une indifférence quasi générale.
Selon la version policière, relayée par le syndicat de police Alliance, la légitime défense ne faisait pas de doute. (...)
Mais les certitudes d’Alliance ne résistent pas à la réalité de l’enquête menée par l’IGPN, que Mediapart révèle avec la cellule investigation de Radio France.
Peu de temps après les faits, la procureure de la République d’Angoulême a en effet ouvert une enquête pour « homicide volontaire » visant le brigadier P. P., 52 ans, auteur du coup de feu. Une plainte a aussi été déposée par la famille défendue par Me Arié Alimi. (...)
Lors de différentes auditions, les policiers ne cessent de se contredire sur les raisons du contrôle. Les versions divergent selon les agents et selon les moments. Certains disent qu’il roulait trop vite ou qu’il zigzaguait. Auditionné dans la foulée du drame, le policier P. P. explique qu’Alhoussein Camara avait une conduite « aléatoire » et roulait de « manière saccadée ».
On est rue de Bordeaux… Ça a levé le pied, ça roule à 50 [...] Visiblement, ça met le clignotant. Ça va prendre rue de Saintes.
Extrait des enregistrements radio de la police (...)
L’exploitation de la vidéosurveillance de la ville d’Angoulême montre que ce véhicule, au moment de la prise en charge, « ne zigzaguait pas sur la chaussée ».
Alors la couleur de peau d’Alhoussein Camara aurait-elle motivé ce contrôle ? (...)
Un « fuyard » qui respecte le code de la route
À plusieurs reprises lors de son audition, P. P. parle du « fuyard » pour qualifier Alhoussein Camara. Sa fuite n’a pourtant rien d’habituel. Selon les éléments recueillis par l’IGPN, la course-poursuite ne dure que quelques minutes. Alhoussein Camara ne conduit pas à une vitesse excessive, pense à mettre son clignotant avant de tourner et s’arrête même au feu rouge. (...)
les caméras de vidéosurveillance d’une banque captent la scène. « Les deux véhicules A (celui d’Alhoussein) et B (celui de la police) continuent de circuler dans la rue de Saintes à une allure modérée, le véhicule B utilisant toujours son gyrophare », relèvent les enquêteurs, vidéo à l’appui. (...)
les caméras de vidéosurveillance d’une banque captent la scène. « Les deux véhicules A (celui d’Alhoussein) et B (celui de la police) continuent de circuler dans la rue de Saintes à une allure modérée, le véhicule B utilisant toujours son gyrophare », relèvent les enquêteurs, vidéo à l’appui. (...)
L’autopsie affaiblit la thèse de la légitime défense (...)
Questionné en détail par l’IGPN sur les circonstances du tir, le brigadier P. P. se dit finalement « incapable » de dire s’il se trouvait dans l’axe du véhicule d’Alhoussein lorsque celui-ci a fait une marche avant. (...) En clair, Alhoussein Camara aurait été touché d’une balle dans le dos tirée depuis l’arrière de la Peugeot 307. (...)