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Mediapart
Donald Trump débordé par les répercussions de l’affaire Epstein
#USA #Trump #Epstein
Article mis en ligne le 18 juillet 2025
dernière modification le 15 juillet 2025

Le président des États-Unis pensait mettre un terme à un dossier qu’il a instrumentalisé pendant sa campagne électorale. Mais la réaction de sa base le met en danger politiquement, pour la première fois depuis son retour à la Maison-Blanche.

Il y a le feu dans le mouvement Maga et Donald Trump, pyromane en chef, ne réussit pas à l’éteindre.

L’incendie est parti il y a une semaine d’une note de deux pages signée par le ministère de la justice et le FBI, la police fédérale. Elle entendait mettre fin à l’affaire Epstein, ce financier ami de Donald Trump pendant des années, impliqué dans l’un des cas les plus importants de pédocriminalité – avec des centaines de victimes – et dont la mort en prison en 2019, par suicide, a nourri les théories du complot les plus folles.

Mais le président états-unien doit faire face, depuis la publication de cette note, suivie de déclarations de la procureure générale Pam Bondi, à une fronde inédite au sein de ses partisan·es, qui dénoncent une tentative de dissimulation des turpitudes de l’« État profond », qui abriterait un réseau pédophile et de protection d’« hommes puissants ». (...)

Ces tensions au sein de la galaxie Maga ont été visibles pendant tout le week-end, lors de la réunion organisée à Tampa, en Floride, par Turning Point USA, un rassemblement annuel de jeunes trumpistes. (...)

Lors de cet événement animé par Charlie Kirk, l’activiste star chargé de mobiliser les jeunes, toutes les têtes d’affiche de la droite et de l’extrême droite états-uniennes étaient présentes. Toutes celles et ceux qui ont participé activement à la victoire de Donald Trump en novembre, de Tucker Carlson à Megyn Kelly, en passant par Steve Bannon. Mais aussi des membres de l’administration, comme le ministre de la défense, Pete Hegseth.

Et l’affaire Epstein a été au centre de toutes les interventions. La plupart des invité·es ont fait part de leur mécontentement, avec le soutien d’une grande partie du public, face à la gestion de ce dossier par l’administration Trump, en particulier par Pam Bondi. (...)

Donald Trump, qui a appelé sans succès tout le monde à s’intéresser à une autre de ses fantaisies – le fait que la présidentielle de 2020 lui a été volée –, se retrouve pris au piège et obligé d’affronter « une sorte de monstre de Frankenstein », comme l’a souligné le journaliste de NBC News Matt Dixon.

Parmi les plus vindicatifs figure Tucker Carlson, l’ancien présentateur de Fox News.

À Turning Point USA, il a ainsi consacré toute son intervention à l’affaire Epstein, reliant, dans un évident cliché antisémite, le pédocriminel aux services de renseignement israéliens et à un milliardaire états-unien juif et soutien de Donald Trump, Bill Ackman. Tucker Carlson a rejeté l’attitude de Donald Trump et a expliqué vouloir continuer à poser des questions légitimes même si on lui dit d’arrêter. (...)

« Vous m’avez traité comme un esclave ou un animal en me disant d’arrêter d’aboyer. [...] Et je ne supporterai pas cela parce que je ne suis ni un esclave ni un animal. Je suis un citoyen américain, un homme adulte qui paie ses impôts », a-t-il lancé, ajoutant : « Ce type était un monstre sexuel bizarre qui abusait des filles. Nous le savions. Mais le fait que le gouvernement américain, celui pour lequel j’ai voté, ait refusé de prendre ma question au sérieux et ait préféré dire “affaire classée, tais-toi, conspirationniste”, c’en était trop pour moi. Et je ne pense pas que le reste d’entre nous doive s’en satisfaire. »

De son côté, Steve Bannon, l’ancien conseiller qui se revendique comme le porte-voix de la frange populiste nationaliste de Maga, a mis son camp en garde. « C’est plus profond qu’Epstein », a-t-il déclaré, prévoyant une défaite électorale aux élections de mi-mandat, en novembre 2026, si jamais l’administration persistait dans son attitude. « Vous allez perdre 10 % du mouvement Maga. Si nous perdons 10 % du mouvement Maga maintenant, nous allons perdre 40 sièges [en 2026], nous allons perdre la présidence. »
Le retour des questions économiques

Le sentiment que la gestion de l’affaire Epstein est un tournant et pourrait coûter politiquement aux trumpistes se reflète dans d’autres déclarations de Tucker Carlson : « Qu’est-ce qui rend si furieux les gens au sujet de Jeffrey Epstein, si furieux que cela provoque un tremblement de terre politique ? [...] C’est la frustration des gens normaux qui voient une certaine classe de personnes s’en tirer à chaque fois. Voilà ce que c’est. Et cela me rend absolument furieux. »

Et l’ancien journaliste d’enchaîner sur les difficultés économiques auxquelles font face les jeunes aux États-Unis.

« Comment Epstein a-t-il obtenu quatre [avions d’affaires – ndlr] Gulf Streams ? Comment a-t-il obtenu une île, un immense ranch au Nouveau-Mexique, la plus grande maison d’Europe ? [...] À un moment donné, les principes économiques de base ont vraiment de l’importance, et ils ont de l’importance parce que si ce n’est pas mauvais que les riches s’enrichissent, c’est mauvais que tous les autres s’appauvrissent. Et il est particulièrement grave que les jeunes n’aient pas les moyens d’acheter une maison. »

Le désormais podcasteur et influenceur s’est inquiété du fait que les républicains allaient laisser prospérer leurs rivaux démocrates les plus « radicaux » sur cette absence de préoccupation des questions économiques, faisant allusion au vainqueur des primaires à New York, Zohran Mamdani. (...)

Sur son réseau social, Benny Johnson, qui a expliqué avoir parlé avec « un haut responsable de la police fédérale », a promis « de nouvelles révélations » sur l’affaire. « Certaines personnes très puissantes au sein de l’administration font maintenant pression pour qu’un conseiller spécial soit nommé et qu’une conférence de presse soit organisée sur ce qui a été découvert sur Epstein. »

Cela suffira-t-il pour calmer la base Maga ? Pas si sûr, car, comme le soulignait un éditorial du quotidien conservateur The Wall Street Journal, « rien ne satisfera [les conspirationnistes – ndlr], car ils vivent dans un monde de récits et non de preuves ».