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Nouvel Obs/Tribune
Attaques répétées contre la société civile : un signal inquiétant de dérive autoritaire du pouvoir
#societecivile #associations #deriveautoritaire
Article mis en ligne le 17 juillet 2025
dernière modification le 15 juillet 2025

Le 10 juillet 1985, le « Rainbow Warrior », navire emblématique de Greenpeace, était coulé par les services secrets français en Nouvelle-Zélande, à la veille d’une mission pour dénoncer les essais nucléaires dans le Pacifique. L’attentat coûta la vie au photographe Fernando Pereira.

Quarante ans plus tard, ce ne sont plus des bombes mais d’autres méthodes qui sont utilisées pour museler l’organisation : en mars, aux Etats-Unis, plusieurs entités de Greenpeace ont été condamnées à verser plus de 665 millions de dollars à la société Energy Transfer, exploitante du pipeline Dakota Access, pour avoir soutenu pacifiquement des communautés autochtones impactées par un projet d’oléoduc. Le montant faramineux de ce jugement menace désormais la survie même de l’organisation aux Etats-Unis.

Les sanctions disproportionnées de ce type ne sont pas des cas isolés. Elles s’inscrivent dans une offensive réactionnaire mondiale où milliardaires, multinationales et gouvernements autoritaires convergent pour réduire au silence les voix dissidentes.

Une offensive réactionnaire mondiale

Depuis le retour au pouvoir de Donald Trump, les mesures autoritaires s’enchaînent aux Etats-Unis : coupes budgétaires, musellement de la recherche, censure, répression des personnes exilées, multiplication des lois liberticides.

Le débat public est désormais saturé par des discours rétrogrades, racistes et transphobes et des fake news antiscience et climatosceptiques, le tout relayé massivement par des plateformes numériques et des médias contrôlés par des milliardaires, d’Elon Musk à Mark Zuckerberg, de Fox News aux holdings médiatiques d’extrême droite en Europe

Ce constat alarmant fait écho à une dynamique globale de normalisation de la répression : dans plusieurs régions du monde, les mouvements citoyens sont criminalisés, la désobéissance civile assimilée à du terrorisme et la défense des droits humains systématiquement qualifiée d’« extrémisme ».

Selon le constat de l’ONG Global Witness, entre 2012 et 2022, un défenseur ou une défenseuse de l’environnement a été tué tous les deux jours dans le monde.

Une vague répressive à l’échelle européenne (...)

Au niveau des institutions européennes, la droite et l’extrême droite font également pression sur les ONG et remettent en cause leur financement par des fonds européens. Au sein des pays membres, les exemples de répression se multiplient : en Hongrie, le gouvernement de Viktor Orbán a interdit tous les événements liés à la Pride et prépare des lois renforçant le contrôle des ONG et des médias. En Italie, des procédures d’urgence permettent de faire passer des lois criminalisant les protestations. En Allemagne, le Conseil de l’Europe alerte sur des « tentatives d’expulsion de ressortissants étrangers » en lien « avec leur participation à des manifestations » en soutien à Gaza.

Hors Union européenne, des faits préoccupants sont observés aussi au Royaume-Uni, où deux militantes de Just Stop Oil ont été condamnées à de la prison ferme pour des jets de soupe sur une œuvre d’art protégée par une vitre, et où Amnesty met en garde contre les tentatives répétées du gouvernement de restreindre le droit de manifester.

La France, théâtre d’une dérive autoritaire (...)

les associations subissent menaces, surveillance, diffamation. Leur liberté d’expression et de création est attaquée.

Ces tentatives d’intimidation peuvent aller jusqu’à des dissolutions administratives. Initialement pensées dans les années 1930 pour lutter contre les ligues fascistes, ces dernières sont aujourd’hui utilisées de façon arbitraire contre des mouvements citoyens comme Les Soulèvements de la Terre, dissous puis réhabilités par le Conseil d’Etat, ou plus récemment La Jeune Garde dissoute par décret et Urgence Palestine menacée de dissolution par l’exécutif.

Interdictions de manifester, gardes à vue abusives, usage disproportionné de la force, fichage illégal, mais aussi suppressions de subventions ou de locaux, usage détourné du contrat d’engagement républicain : l’ensemble de ces pratiques contribue à restreindre dangereusement l’espace civique, comme le souligne la Commission nationale consultative des Droits de l’Homme (CNCDH) dans un récent avis. Sur la scène internationale, la France a d’ailleurs été maintes fois épinglée sur le sujet par le Conseil de l’Europe, l’ONU, notamment le Comité des Droits de l’Homme des Nations unies et le rapporteur spécial sur les défenseurs de l’environnement aux Nations unies [PDF].

Face à cette offensive globale, il est urgent de rappeler une évidence : le monde associatif dans son ensemble, les syndicats, les lanceuses et lanceurs d’alerte et collectifs citoyens sont le cœur battant de nos démocraties. (...)