
Dans un rapport administratif dont Mediapart a pris connaissance, la « police des polices » conclut à un usage disproportionné de la force par les agents qui ont fracassé le crâne de Hedi en juillet 2023 à Marseille. L’inspection demande un conseil de discipline pour les quatre policiers ainsi que pour leur cheffe. Le ministère de l’intérieur n’y a toujours pas donné suite.
Sans attendre la fin de l’enquête judiciaire sur les policiers qui, en juillet 2023, à Marseille, ont roué de coups Hedi, dont le crâne a dû être partiellement amputé, la « police des polices » a rendu le 13 février un rapport administratif accablant. Celui-ci conclut que les quatre fonctionnaires ont fait un « usage disproportionné » de la force sur le jeune homme de 22 ans, « qui ne représentait aucune menace immédiate ».
En marge des révoltes déclenchées à la suite du décès de Nahel, le policier Christophe I. a tiré avec son LBD sur le jeune homme alors qu’il était de dos, le touchant à l’arrière de la tête. Déjà « blessé » et alors qu’il « ne représentait aucun signe de rébellion », selon le rapport de l’Inspection générale de la police nationale (IGPN) consulté par Mediapart, trois autres policiers, Gilles A., David B. et Boris P., l’ont ensuite tabassé, lui fracturant le crâne.
Quant à leur cheffe, Virginie G., elle a manqué à son devoir de commandement qui aurait dû faire cesser ces violences et en informer sa direction, d’après l’enquête de l’IGPN. Au lieu de cela, elle a nié les avoir vus, et a omis de les faire figurer dans le compte rendu des opérations transmis à sa hiérarchie. Outre l’« atteinte notoire » portée « au crédit et au renom de la police nationale », elle a failli à son devoir d’obéissance « par son refus d’assumer son commandement », selon les termes du rapport. (...)
Le directeur général de la police nationale (DGPN), Louis Laugier, a-t-il validé les conclusions de l’IGPN et donné son accord pour un conseil de discipline ainsi que le prévoit la procédure ? Une date a-t-elle été fixée ?
Autant de questions posées par Mediapart au ministère qui, dans un mail daté du 11 juillet, a répondu par un laconique « l’enquête administrative suit son cours ». Une déclaration inexacte puisque les conclusions du rapport de 206 pages, dont Mediapart publie des extraits, ont été rendues le 13 février.
L’Intérieur « joue la montre »
Dans le volet pénal de l’affaire, les quatre principaux agents soupçonnés des violences ont par ailleurs été mis en examen pour « violences volontaires aggravées » (avec arme, en réunion et par personne dépositaire de l’autorité publique) et, placés sous contrôle judiciaire, ils ont l’interdiction d’exercer leur activité professionnelle. Leur traitement n’a toutefois pas été suspendu.
En s’abstenant de faire passer ces fonctionnaires devant un conseil de discipline, le DGPN leur épargne, à ce stade, une exclusion temporaire pouvant aller jusqu’à deux ans avec privation de toute rémunération, voire une révocation.
« Le ministère de l’intérieur joue la montre, commente une source proche du dossier. Les violences ont eu des conséquences gravissimes et il est difficile d’oublier le visage de ce jeune homme amputé d’une partie de son crâne. Mais le directeur de la police semble faire comme son prédécesseur [Frédéric Veaux – ndlr] qui avait soutenu ces policiers ultra-violents, défendus par le syndicat Alliance. » (...)
Dans l’enquête administrative pour laquelle elle a été saisie, l’IGPN reprend l’ensemble des enregistrements de vidéosurveillance et des auditions de l’instruction. Compte tenu des preuves accumulées, les faits ne semblent plus faire aucun doute pour elle, malgré les dénégations des policiers mis en cause dont certains récusent être auteurs des violences. (...)
Quelques minutes après les violences commises sur Hedi, le major Boris P. a été identifié par les enquêteurs sur une autre vidéo. Il a plaqué au sol un homme muni d’un objet lumineux et lui a asséné plusieurs coups. Et, là encore, la commandante est à ses côtés et ne fait rien.
Ainsi que le relève l’IGPN, la commandante Virginie G. « s’est abstenue de rendre compte de tout incident intervenu dont elle avait malgré ses dénégations été témoin dans le rapport qui lui avait été demandé quelques jours après les faits et maintenait cette position au cours des enquêtes judiciaires et administratives ».
Ce rapport, qui pourrait avoir des incidences sur la suite de l’instruction, a été transmis à la justice le 18 mars.