
(...) La librairie-café féministe, lesbienne et LGBTQIA+ Violette and Co, installée dans le même arrondissement, a elle aussi été la cible d’une violente campagne d’intimidation, de harcèlement et de cyberharcèlement. Sa vitrine a été souillée avec le même type de peinture, avec les slogans « Hamas violeur » et « Islamo complice ». Dans le cas de La tête ailleurs, ce sont les inscriptions « Hamas viole » et « Fuck Hamas » qui ont été apposées, accompagnées cette fois-ci d’une signature se revendiquant des « SIO ».
Un post Facebook qui dérape
Pas de livre de coloriage au cœur de la polémique cette fois, mais la publication d’un message sur Facebook le 22 août dernier, posté depuis le compte - aujourd’hui fermé - de l’une des trois fondatrices de la librairie, retraitée depuis deux ans et demi. Les deux autres, qui dirigent encore l’établissement, préfèrent ne pas voir ce message circuler à nouveau, de crainte de relancer la controverse. Dans ce texte, son autrice exprimait son soutien au gérant du parc Tyrovol, à Porté-Puymorens dans les Pyrénées-Orientales, qui avait récemment refusé l’accueil de 150 jeunes Israéliens.
Le gérant a été mis en examen pour discrimination, et a récemment assuré que la décision avait été prise en amont « pour des raisons techniques et de sécurité », liées aux intempéries et à la barrière de la langue compliquant la transmission des consignes. L’enquête est menée par la brigade de recherches de Prades et l’OCLCH pour vérifier ces justifications. L’affaire a pris une dimension nationale, entraînant de vives réactions politiques et communautaires, mais aussi des menaces contre le parc, la mairie, et donc la librairie par répercussion.
Dans son post Facebook, l’autrice a avancé que ces enfants deviendraient un jour des soldats sans scrupules. C’est cette phrase, isolée et reprise, qui a mis le feu aux poudres. (...)
Plus généralement, les deux gérantes actuelles de la librairie nous expliquent ne pas du tout valider ce message, rappelant que les enfants n’ont rien à voir avec la politique de Netanyahou. (...)
Contrairement à Violette and Co, librairie revendiquée comme engagée, La tête ailleurs se présente comme une librairie généraliste, sans positionnement politique affirmé, simplement animée d’une sensibilité située à gauche.
Deux plaintes en quelques jours
Dès l’après-midi de la publication du post Facebook, une vague de haine s’est déchaînée. La collègue de Sophie Banet, Isabelle, a alors reçu des appels téléphoniques injurieux (...)
Parallèlement, la page Facebook de la librairie a été submergée de messages menaçants, contraignant l’équipe à la fermer. « Sur Instagram, les commentaires étaient du même ordre, truffés d’accusations d’antisémitisme, alors que nous condamnons toute forme de racisme et de discrimination », assurent les libraires.
Le dimanche 24 août, une personne est venue interpeller la libraire sur place, lui demandant si l’une d’elles était l’autrice du fameux post. Dans la nuit de dimanche à lundi, la vitrine a été taguée à la peinture à l’acide. La librairie a porté plainte une première fois le vendredi pour dénoncer les injures et le harcèlement, avec un signalement effectué à Pharos ; puis a déposé une deuxième plainte le lundi, après l’intimidation physique et les dégradations. La police est venue constater les inscriptions, et les services de la mairie sont intervenus pour nettoyer. Malheureusement, comme il s’agissait de peinture à l’acide, les traces sont indélébiles...
Tout laisse penser, là encore, qu’il s’agit d’acide fluorhydrique, parfois utilisé par les tagueurs pour graver de manière permanente les surfaces vitrées. Interdit à la vente libre pour les particuliers en France et dans l’Union européenne, il peut, entre autres, provoquer des arythmies cardiaques graves et potentiellement mortelles, une fois dans l’organisme. (...)
Pour l’heure, l’identité des auteurs de ces dégradations demeure inconnue. Concernant la vitrine, leur assurance a déjà indiqué qu’elle ne prend pas en charge ce type de détériorations (...)
Pour Sophie Banet, « au-delà du dégât matériel, c’est la librairie elle-même qui est visée comme symbole d’ouverture. Qu’un post Facebook, aussi malheureux soit-il, puisse déclencher un tel engrenage est une chose. Mais ce qui se joue désormais, c’est l’attaque d’un lieu de culture, de débat et de liberté. » (...)