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Mediapart
Règlementation du matériel d’espionnage : la France et les lobbies debout sur les freins
#espionnage #lobbys #France
Article mis en ligne le 9 octobre 2023
dernière modification le 6 octobre 2023

Un règlement européen entré en vigueur il y a deux ans devait limiter, au nom des droits de l’homme, la vente de matériel d’espionnage aux dictatures. Mais le texte a été torpillé par les industriels et plusieurs États membres de l’Union européenne, dont la France.

Depuis septembre 2021, tous les pays de l’Union européenne doivent en effet appliquer un nouveau règlement, censé durcir les exportations de ces équipements. Et mettre fin aux nombreux scandales qui entachent depuis dix ans les industriels européens du secteur, dont les produits sont utilisés par des dictatures pour espionner et traquer les opposants, journalistes et défenseur des droits humains.

Manifestement, c’est raté.

Le 15 novembre 2021, deux mois après l’entrée en vigueur du règlement européen, le gouvernement grec accordait au groupe Intellexa, dirigé par des anciens cyberespions israéliens mais basé en Europe, une licence d’exportation de son logiciel de piratage des téléphones Predator à Madagascar, un pays adepte de la répression. Comme l’ont révélé les médias Inside Story et Haaretz, la Grèce est soupçonnée d’avoir validé, au même moment, une seconde licence pour la vente de Predator au chef d’une puissante milice du Soudan, un pays en pleine guerre civile.

La Grèce n’est pas un cas isolé. Nos premières enquêtes « Predator Files » ont révélé qu’Intellexa et son partenaire français Nexa ont pu exporter Predator vers d’autres régimes autoritaires, comme l’Égypte et le Vietnam. Et que Nexa a pu vendre sans problème des systèmes de surveillance en tous genres à des dictatures pendant dix ans, alors même qu’elle était visée par deux enquêtes judiciaires pour « complicité de torture », soit avec la complicité de la France, soit en exploitant les failles d’une réglementation trop souple.

Le nouveau règlement européen n’y changera pas grand-chose, tant il a été édulcoré par le lobby des industriels de la surveillance, mais aussi par plusieurs pays européens, dont la France, qui veulent continuer d’exporter des logiciels espions aux dictateurs en toute opacité. (...)

C’est ce que montre notre nouvelle enquête « Predator Files », menée par 15 médias internationaux coordonnés par le réseau EIC, basée sur des documents obtenus auprès de la Commission européenne grâce à une demande d’accès aux documents administratifs, réalisée en coopération avec l’ONG allemande pro-transparence FragDenStaat. (...)

Notre enquête montre que les industriels contournent la réglementation en créant des structures hors de l’UE, comme l’a fait le français Nexa à Dubaï. Rien n’est prévu dans le règlement européen pour lutter contre ce phénomène. (...)