Bandeau
mcInform@ctions
Travail de fourmi, effet papillon...
Descriptif du site
Reporterre
Refuge de luxe en Savoie : un promoteur milliardaire fait sa loi
#Savoie #biodiversite #promoteur
Article mis en ligne le 7 novembre 2024
dernière modification le 2 novembre 2024

4x4, piscine chauffée... Le milliardaire Jean-Victor Pastor, qui a transformé un refuge en hôtel de luxe, fait fi des règles environnementales. Et s’attaque même à la mairie de Méribel, pourtant longtemps conciliante.

(...) « L’accès pour les touristes ne devrait pas se faire avec des véhicules motorisés, dans l’objectif de préserver la biodiversité et notamment, la préservation de la tranquillité de la faune », explique la Commission départementale des sites, perspectives et paysages dans un courriel à Reporterre.

Cette instance s’appuie sur le projet d’agrandissement du refuge de la Traye que lui avait soumis en 2017 la mairie de Méribel. Elle l’avait approuvé moyennant des restrictions à la circulation que le milliardaire monégasque s’était engagé à respecter. En clair, les véhicules de La Traye ne pouvaient circuler que pour transporter le personnel et les produits nécessaires au fonctionnement de l’établissement. (...)

Pour faire fi de ses engagements et s’affranchir des lois environnementales, le propriétaire du refuge de la Traye cherche à exploiter une faille. La mairie de cette station alpine huppée où la spéculation immobilière et la construction battent leur plein, qui a longtemps été complaisante envers les activités de ce promoteur très bien introduit, doit donc aujourd’hui l’affronter en justice. (...)

S’érigeant soudainement en défenseur des personnes handicapées, âgées, ainsi que des petits enfants et de leurs accompagnants, il invoque la « discrimination » dont ceux-ci seraient victimes, puisqu’ils ne peuvent monter à La Traye par leurs propres moyens. Et exige dans son recours devant le tribunal administratif de Grenoble, déposé au cœur de l’été, que la mairie y remédie en assouplissant une réglementation qu’il ne respecte pas. (...)

Lorsqu’on vend la nuitée jusqu’à 3 250 euros en haute saison hivernale et 1 040 euros l’été, difficile d’exiger de ses clients qu’ils se fatiguent à grimper selon les saisons deux ou trois heures à pied, ski ou raquettes. Difficile aussi de leur refuser de descendre en station, surtout quand il s’agit de VIP. Ce que confesse un membre du personnel de La Traye quand on se fait passer pour un potentiel client désireux de ne pas trop se fatiguer (...)

Cette obstination à ignorer la réglementation environnementale a d’ailleurs déjà valu au promoteur deux condamnations en justice. (...)

Sans doute pour faire oublier les nuisances que ses engins causent, Jean-Victor Pastor a signé personnellement en juillet dernier au nom du refuge de La Traye un partenariat avec le Centre de sauvegarde de la faune sauvage (CFCS). Seuls les mauvais esprits y verront du greenwashing. (...)

Se sentant manifestement à l’étroit, Jean-Victor Pastor démarche méthodiquement les propriétaires des chalets et terrains adjacents pour étendre son domaine. (...)

Les prix de l’immobilier atteignent des sommets

Et la mairie dans tout ça ? Elle s’est abstenue de porter plainte contre les multiples dérapages de Jean-Victor Pastor. (...)

Des élus complaisants

Elle s’est prononcée en faveur du projet de rachat et de transformation de la Traye par le milliardaire monégasque lors du conseil municipal du 24 janvier 2017 [2] alors même que cette vente allait bénéficier à son propre cousin Pascal Falcoz, ancien propriétaire de La Traye.

On note par ailleurs que Jean-Victor Pastor a mandaté le fils de l’adjointe au maire, gérant d’une entreprise de construction, pour assurer les travaux de La Traye et acheté ensuite à l’élue une grange transformée en habitation — avec l’autorisation de la mairie — pour y loger son personnel. (...)

l a donc fallu attendre le conseil municipal du 22 novembre 2023 pour que la mairie tourne casaque. Lors de cette séance mémorable, les élus ont affirmé subitement s’être fait « duper » par le promoteur et se sont opposés à une nouvelle demande d’agrandissement du refuge. (...)

Plus largement, cette réaction tardive aux abus du promoteur semble s’inscrire dans la culture des grandes stations alpines. « Ici, on aime bien l’environnement tant que ça n’empêche pas de faire des affaires », résume un fin connaisseur des mœurs locales. Résultat ? « On détruit des chalets en bon état pour en édifier de plus gros qui, à l’instar de leurs prédécesseurs, ne seront occupés que quelques semaines par an. Et nous, les locaux, on peine à se loger. C’est aberrant, mais cela crée de l’activité dont on a besoin car tout ici coûte de plus en plus cher. Donc, on continue… » constate un habitant issu d’une vieille famille de Méribel.