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la Montagne
Risques et nuisances, arguments économiques, pression sur la forêt : en Creuse, la vigilance autour du projet d’usine Biosyl
#Gueret #Biosyl #nuisances #resistances
Article mis en ligne le 28 juillet 2025
dernière modification le 26 juillet 2025

La société Biosyl projette d’installer une nouvelle unité de fabrication de granulés de bois de feuillus en Creuse, à Guéret. (...)

1. L’accumulation des risques et nuisances sur le site d’implantation de l’usine

En janvier dernier, Forêt debout 23 et une délégation de la CGT23 se sont rendus sur le site de Cosne-sur-Loire, où la première usine Biosyl est implantée depuis 2012 (1), pour rencontrer riverains mais aussi salariés. « C’était une rencontre très marquante avec des riverains très marqués, très las, très tristes », confie Forêt Debout.

Pourtant, avant son implantation, le projet était plutôt bien accueilli par tous. (...)

Finalement, l’inquiétude se développe « quand ils ont vu sortir de terre l’usine en taille réelle, sur dix hectares » et dès sa mise en route, le ton a changé. (...)

« Bruit permanent, fumées et rejets atmosphériques, poussières qui se déposent partout, vibrations », en 2017, les mises en demeure émanant de la préfecture de la Nièvre, qui demande la mise en place de mesures de réduction des nuisances s’accumulent pour ce premier site Biosyl. Qui ne sont pas suivies d’effet. Les premiers déménagements de riverains « exaspérés » suivent.

Un collectif se forme, VBQA pour Vigilance bruit et qualité de l’air qui interpelle la Dreal et la préfecture en 2019 au sujet des mises en demeure non respectées.
Lors d’une rencontre organisée en préfecture avec Antoine de Cockborne, le dirigeant de Biosyl, « les riverains dénoncent le fonctionnement du broyeur-écorceur la nuit, les nuisances sonores et demandent la prise en considération de la persistance du bruit 24 heures sur 24, 7 jours sur 7 ». (...)

La rencontre avec la ministre de la Santé, Agnès Buzin, n’y change rien. Ni cette nouvelle mise en demeure suite à l’inspection des services de l’environnement. Ni même la rencontre avec le patron de Biosyl, ou la préfecture ou le maire, ou ce rassemblement des riverains dans l’usine pour confronter son directeur qui finalement, en 2021, mandatera un organisme pour réaliser des mesures des nuisances sonores qui se révéleront « inexploitables ». Et clora le sujet lors d’une rencontre avec les riverains en signifiant qu’il ne dépensera « pas un centime de plus » pour réduire le son de ses machines. La demande des riverains de mettre en place une enquête d’impact sur la santé n’a également jamais abouti à ce jour. (...)

Outre ces nuisances, ce sont aussi les autres risques aux installations ICPE qui préoccupent les opposants, notamment autour des risques d’incendies et d’explosions. (...)

2. Les arguments économiques et la promesse d’emplois ?

Le retour d’expérience des salariés de Cosne-sur-Loire, qui ne sont représentés par aucun syndicat, ne convainc pas la CGT Creuse qui a voulu savoir « ce qu’étaient ces emplois ».

« On parle de 35 emplois à Guéret, on est 35 emplois aussi sur Cosne-sur-Loire. Pour augmenter les cadences de production, les gars sont passés en 5-8. Les 5-8, c’est le mode de production le plus destructeur pour la santé, rappelle Laurent Margueritat. On estime qu’un salarié qui est maintenu en 5-8 a 12 ans d’espérance de vie en moins en moyenne. Les cycles que le directeur de Biosyl propose ne permettent même plus les week-ends, et les salariés ont perdu des avantages lors de renégociations », pointe le secrétaire général de la CGT Creuse, notamment « les deux semaines de congés payés supplémentaires qu’ils avaient pour compenser leurs conditions de travail ». (...)

L’autre point qui préoccupe le syndicat, c’est « la prédation sur la ressource bois qui mettrait en danger les structures locales plus petites » (...)

La CGT note aussi que les salariés de la Nièvre mentionnent « énormément de turn-over », « donc des emplois qui ne sont pas stables », à cause notamment des conditions quotidiennes, avec « des postes de caristes qui ont des charges monstrueuses à remuer, du bruit incessant », pour un salaire qui dépasse à peine le SMIC abondé, forcément, de primes. Laurent Margueritat qui est également inquiet du « sous-investissement a priori chronique dans l’entreprise ». (...)

La CGT a rejoint l’Alliance écologique et sociale et élaboré, en concertation, une charte revendicative dont le premier point était « l’exigence de la création d’un Observatoire de la Forêt avec la préfecture et l’ensemble des partenaires de la filière », qu’elle a obtenu. « On a eu notre première réunion il y a une semaine. Pour l’instant la préfète nous écoute mais ne change rien à ses projets, explique Jean-Yves Lesage. Mais on a quand même un outil sur lequel on va pouvoir s’appuyer pour continuer à porter des choses, à organiser des mobilisations. »

3. La pression supplémentaire sur la forêt de feuillus limousine

La réunion publique a aussi été l’occasion de diffuser une partie de l’émission Sur le front des forêts françaises tournée en 2021, qui met en lumière l’utilisation de chênes centenaires issus de coupes rases sur le site de Biosyl.

Dans le reportage, Antoine de Cockborne vient à la rencontre des équipes de l’association Canopée qui l’interrogent s’il sait d’où viennent ces arbres. Réponse du patron de Biosyl : « Je ne sais pas », « ce n’est pas mon rôle, moi je suis industriel », « mon boulot, c’est d’acheter du bois ». À Hugo Clément qui lui demandait de prendre l’engagement de ne plus acheter de bois issus de coupes rases, il affirmait face caméra qu’il allait être « maintenant […] beaucoup plus sensibilisé et ça, je peux m’engager vraiment sur ce point-là ».

Finalement, dans un courrier envoyé peu de temps après à Canopée, le patron de Biosyl se défaussait sur la labellisation, et s’en remettait au « droit et aux pratiques partagées pour une gestion durable des forêts (certification PEFC) » qui n’interdit en rien les coupes rases. (...)

Du Morvan à la Haute-Loire, en passant par la Creuse, l’association Canopée suit Biosyl avec beaucoup de vigilance. Outre les recours, « on a réussi à montrer aussi que c’est une entreprise qui ne s’approvisionne pas correctement aujourd’hui, qui, en tout cas, ne veut pas donner de garanties pour s’approvisionner correctement. On montrera les coupes sur lesquelles ils s’approvisionnent dans le Morvan qui annoncent ce qui devrait arriver ici si jamais l’usine s’installe en Creuse. » (...)

L’association est en train de recenser tous les projets comparables à Biosyl en France, qui produisent ou souhaitent produire des granulés de bois mais aussi d’autres énergies comme du biocarburant pour l’aviation. (...)

« , il n’y a pas une infinité de bois. Donc, on fait ce travail, de combattre chacun de ces projets et c’est ce que l’on fait ici en soutenant les personnes qui bataillent contre l’implantation de Biosyl » (...)

Quelles suites après la validation du permis de construire modificatif ? (...)

À l’argument souvent entendu que « si ces projets ne s’installent pas ici, ils s’installeront ailleurs et couperont ici aussi. Non, ils n’iront pas ailleurs, insiste Laurent Margueritat. La résistance s’organise. Si ces industriels choisissent le Morvan ou la Creuse, ce n’est pas par hasard, ils cherchent des lieux où ils espèrent qu’il n’y aura pas de résistance. Et ce soir, je pense qu’on a encore fait la démonstration que ce projet, on n’en veut pas en Creuse, on n’en veut pas dans le Morvan, ils n’en veulent pas en Corrèze, ils n’en veulent pas dans l’Allier. On continuera à faire passer ce message. »

Lire aussi :

 Projet d’usine Biosyl : un manifestant partiellement condamné par le tribunal judiciaire de Guéret

Ils étaient près de 2.500 le 5 octobre 2024 à s’être rassemblés à Guéret pour protester contre le projet d’usine de granulés bois porté localement par la société Biosyl. Un projet qui divise largement en Creuse. Si le rassemblement encadré par de nombreuses forces de l’ordre s’est tenu globalement dans le calme, il fut toutefois émaillé de quelques tensions à la fin de la manifestation, place Bonnyaud.

Un homme de 31 ans résidant en Charente-Maritime avait été interpellé le jour même avant d’être jugé au tribunal judiciaire de Guéret le 19 juin 2025, poursuivi pour des faits de rébellion et de dissimulation de son visage. Ce jeudi 17 juillet, il a été condamné à un an d’interdiction de participation à une manifestation publique et à l’interdiction de détenir une arme pendant un an.

Il a toutefois été relaxé des faits de rébellion. (...)

 (France Bleu)
Guéret : le manifestant poursuivi après la grosse manifestation anti-Biosyl est en partie relaxé

(...) A l’audience, le témoignage du manifestant avait semé le doute

Deux policiers accusaient ce manifestant de s’être tellement débattu, qu’il leur avait causé deux jours d’interruption totale de travail (ITT) chacun. Ces agents n’étaient pas basés en Creuse, ils avaient été déployés exceptionnellement à Guéret pour encadrer la manifestation du 5 octobre 2024, qui a réuni 2.000 opposants au projet d’usine à granulés bois Biosyl.

A l’audience, le manifestant a donné une autre version des faits. Au moment de l’arrestation, la manifestation battait son plein devant la préfecture. Certains opposants commençaient à jeter des granulés sur les grilles. Deux agents cagoulés et habillés en civil se sont alors avancés vers lui pour l’interpeller selon le trentenaire.

Le jeune homme a assuré qu’ils n’avaient pas présenté leur carte de policier, il a donc pris peur et se s’est défendu et c’est là qu’il s’est fait matraquer à plusieurs reprises. Les photos des blessures avaient d’ailleurs été projetées au tribunal le 19 juin. Finalement, les juges l’ont relaxé du chef de rébellion.