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Reporterre
« On me demande de faire des ménages » : la réforme du RSA fragilise les paysans
#agriculteurs #RSA #Vaucluse
Article mis en ligne le 3 décembre 2024
dernière modification le 30 novembre 2024

Dans le Vaucluse, le versement du RSA est désormais conditionné à 15 heures hebdomadaires de « remobilisation vers l’emploi ». Un dangereux non-sens pour les paysans qui le touchent et en dépendent pour vivre.

Et voilà que le département de Vaucluse menace de lui retirer son RSA si elle ne s’inscrit pas dans un « contrat d’engagement réciproque ». Elle serait contrainte à 15 heures par semaine de formation et de mise en situation professionnelle, et cela sur six semaines. Sans quoi son revenu serait suspendu.

Comme Nathalie Wouters, 150 foyers paysans dépendent du RSA dans le département, selon la mutualité sociale agricole (MSA) Alpes-Vaucluse, l’organisme qui gère les prestations sociales des agriculteurs. Selon la loi « pour le retour au plein emploi » promue par le gouvernement, ce conditionnement du RSA est actuellement en expérimentation dans quarante-sept départements et deviendra obligatoire pour tous les bénéficiaires en France à partir de janvier 2025. (...)

Objectif du Département : « une baisse des allocataires »

Le Vaucluse, cinquième département le plus pauvre de France métropolitaine, compte 15 100 personnes au RSA. Dans sa réponse à Reporterre, l’institution assume de rechercher un « retour sur investissement à long terme », qui se traduirait par « une baisse des allocataires ». (...)

« On me propose de faire des ménages alors que je suis déjà en activité. J’ai autre chose à faire. Je suis en train de préparer les marchés de noël », déplore Nathalie Wouters qui travaille déjà plus de 45 heures par semaine. En plus de la culture, elle transforme elle-même ses plantes en hydrolats et eaux florales. Son besoin : du temps pour pérenniser son activité. (...)

La Confédération paysanne et l’association Solidarité paysanne dénoncent les nouvelles règles et apportent leur soutien aux agriculteurs touchés. Les deux organisations ont interpellé le gouvernement pour que les agriculteurs soient sortis de cette forme de « RSA conditionné ». En vain. (...)

« La réponse a été : il n’y aura pas de cas particulier », expose Julie Peyrot, médiatrice rurale à Solidarité paysanne Provence-Alpes. « À part le RSA, il n’y a pas d’autre solution pour les agriculteurs qui démarrent et qui ont un problème de revenu », affirme pourtant Laurent Thérond, coporte-parole de la Confédération paysanne 84. (...)

« C’était un entretien des plus humiliants, se remémore de son côté Nathalie Wouters à propos de son entretien individuel. Mon interlocutrice était un pitbull en mode guerrière. Elle a essayé de me forcer à l’arrêt du RSA. On n’a absolument pas parlé de mon activité. » De retour chez elle, « pendant trois jours j’étais au fond du lit. Je me suis dit, soit tu plonges soit tu te bats », raconte-t-elle. (...)

« On se donne corps et âme tous les jours et on vient nous dire “vous êtes fainéants, allez faire des ménages” » (...)

Faute d’avoir participé à certaines des journées d’ateliers, car occupée auprès de ses animaux, Sarah Vigogne s’est fait couper son RSA depuis octobre. (...)

Idem, depuis cet été, pour Florian Morel, producteur de semences paysannes et maraîcher sur sol vivant au Beaucet. « J’ai répondu que je n’irais pas travailler. J’ai déjà un travail », dit-il calmement en cueillant des graines de ricin. (...)

« Tous les gens qui ont le RSA en ont besoin » (...)

Suite aux interpellations des organisations agricoles, le Département a décidé d’expérimenter la gestion des « contrats d’engagement » des agriculteurs par la MSA. Cela devrait être effectif en janvier 2025. La forme et le contenu de ce que mettra en place la MSA sont « en cours de discussions techniques », précise Céline Argenti-Dubourget, la directrice de la MSA Alpes-Vaucluse.

Injonction à la viabilité

Elle imagine des solutions pour « lever les freins sociaux, comme les problèmes de garde d’enfants ou de santé ». Et puis de s’associer avec la chambre d’agriculture pour « mettre en place des accompagnements sur l’écoulement des productions ou la diversification. »

Une injonction à la viabilité des exploitations agricoles est toujours exigée. (...)

La pression mise par le nouveau dispositif pourrait inciter nombre d’exploitants agricoles à ne plus chercher à obtenir le RSA. Selon une enquête de Reporterre menée en 2023, plus d’un agriculteur français sur dix était bénéficiaire d’une allocation de solidarité : RSA et prime d’activité. Et déjà, le taux de non-recours à ces prestations sociales était estimé entre 50 et 60 % par la MSA.

Pour Laurent Thérond de la Confédération paysanne 84, « les agriculteurs en difficultés devrait être bénéficiaires d’une aide officielle, pas du RSA ». (...)