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Malaise dans la décolonialité – Débats au sein des critiques du colonialisme
Article mis en ligne le 27 mars 2025

Il n’y a pas « une » mais « des » pensées décoloniales. Selon les auteurices du livre « Critique de la raison décoloniale », un courant en particulier, né dans les universités étasuniennes et influent sur le continent américain, s’accapare toutefois le domaine. La sortie de l’ouvrage en français est l’occasion pour l’historien Jérôme Baschet d’identifier les nœuds de cette controverse et d’appeler à un débat plus ample.

À propos du livre collectif Critique de la raison décoloniale. Sur une contre-révolution intellectuelle, paru aux éditions de L’Échappée en 2024, traduit de l’espagnol par Mikaël Faujour et Pierre Madelin et préfacé par Mikaël Faujour. (...)

La raison d’être de ce volume est l’inquiétude des auteurs et autrices face à l’influence grandissante, dans le monde universitaire et dans le champ intellectuel, de la pensée décoloniale, ou plus précisément d’une forme particulière de celle-ci, dont ils jugent sévèrement les biais et qu’ils n’hésitent pas à qualifier d’« imposture intellectuelle ». Accusant les auteurs décoloniaux d’user de divers stratagèmes pour placer leurs thèses au-dessus de tout questionnement, ils estiment nécessaire d’allumer un contre-feu ou, à tout le moins, d’ouvrir un débat argumenté sur une forme de pensée en plein essor. C’est ce qui justifie qu’on s’intéresse à cet ouvrage et qu’on prenne part à un tel débat. (...)

ils n’ignorent nullement la diversité des courants décoloniaux, mais ont fait le choix de concentrer leurs analyses sur le groupe « Modernité/Colonialité », fondé à la fin des années 1990 par le sociologue péruvien Aníbal Quijano, le philosophe argentino-mexicain Enrique Dussel et le sémiologue argentin installé aux États-Unis Walter Mignolo, et auquel ont été également associé Ramón Grosfoguel, Edgardo Lander, Nelson Maldonado-Torres, Catherine Walsh et Santiago Castro-Gomez. Une telle option est justifiée par le fait que ce groupe – et notamment ses figures les plus en vue – ont acquis une influence considérable dans le monde universitaire et intellectuel, tant en Amérique latine qu’en Amérique du Nord et au-delà. En outre, il constitue la matrice initiale de la pensée décoloniale, largement reproduite par bien d’autres auteurs et autrices, notamment de générations plus jeunes. Il paraît donc légitime de s’intéresser tout particulièrement à ce groupe : ainsi, Daniel Inclán critique la philosophie de l’histoire qui sous-tend ses thèses ; Rodrigo Castro Orellana analyse les concepts de « différence coloniale » et de « pensée frontalière » chez Mignolo ; Brian Jacob Bonilla Avendaño identifie les biais de la dénonciation de l’eurocentrisme chez Grosfoguel ; Martin Cortés s’élève contre l’ontologie de l’origine et de la pureté qui prévaut chez ces mêmes auteurs ; enfin, Andrea Barriga s’attaque au le concept central de « colonialité », legs majeur de Quijano (...)

Par ailleurs, il est important de situer la perspective de ses auteurs qui, à l’évidence, n’a rien à voir avec une critique conservatrice célébrant la grandeur de la civilisation occidentale ou pourchassant les fantasmes du wokisme. Tous revendiquent une perspective d’émancipation, alliant critique du colonialisme et ancrage dans les courants non dogmatiques du marxisme. (...)

 (Editions l’Echappée)

Critique de la raison décoloniale
Sur une contre-révolution intellectuelle

sortie

4 octobre

2024
14 x 20,5 cm | 256 p. | 19 euros
isbn 9782373091571
https://librairie-quilombo.org/critique-de-la-raison-decoloniale
Critique de la raison décoloniale
Sur une contre-révolution intellectuelle

Collectif
Traduit de l’espagnol par Mikaël Faujour et Pierre Madelin
Avant-propos de Mikaël Faujour

Le capitalisme et la modernité seraient intrinsèquement liés à un racisme d’essence coloniale et à la domination de l’Occident sur le Sud global : tel est le postulat des décoloniaux. Face à une rationalité considérée comme eurocentrique, face à un système de pouvoir qui chercherait à maintenir les « non-Blancs » dans une position subalterne, ils prônent un retour aux formes de savoir et aux visions du monde des peuples indigènes.
À l’heure où les théories décoloniales, nées en Amérique latine, gagnent du terrain dans les milieux universitaires et militants, les auteurs de ce livre, ancrés eux aussi dans ce continent, font entendre une autre voix. Ils démontrent comment ces théories propagent une lecture simpliste de l’histoire et des rapports de pouvoir, et comment leur focalisation sur les questions d’identité ethno-raciale relègue au second plan l’opposition pourtant fondamentale entre riches et pauvres. À l’horizon, une conviction : seul un anticolonialisme fondé sur une critique radicale du capitalisme permettra de sortir de cette impasse, en dépassant toute soif de revanche pour retrouver le contenu universel des luttes d’émancipation. (...)