Donald Trump a ordonné un blocus pétrolier en mer des Caraïbes, faisant ainsi monter la tension d’un cran entre Washington et Caracas. La population est coincée entre un gouvernement liberticide et une opposition qui s’accommode des pressions militaires et économiques des États-Unis.
« Le Venezuela est encerclé par la plus grande armada jamais vue dans l’histoire de l’Amérique du Sud », a écrit Donald Trump sur son réseau social Truth Social le 16 décembre, et ce, « jusqu’à ce qu’ils rendent aux États-Unis d’Amérique le pétrole, les terres et les actifs qu’ils ont volés. […] J’ordonne le blocus total et complet de tous les pétroliers sanctionnés ».
Changement de stratégie états-unienne
Quelques jours plus tard il précisait : « Ils ont jeté nos compagnies dehors et nous voulons les récupérer. » Une référence aux vagues de nationalisations sous la présidence d’Hugo Chávez et une douche froide pour Lourdes qui, comme beaucoup de ses concitoyens et concitoyennes, imaginait une « opération spéciale » des forces armées états-uniennes, visant Nicolás Maduro et ses proches, dans le but de les écarter du pouvoir. (...)
Avec le blocus annoncé, les navires de la « flotte noire », ces bateaux sanctionnés par l’Office de contrôle des actifs étrangers (Ofac), ne pourraient donc plus atteindre les ports vénézuéliens. Deux d’entre eux ont d’ailleurs déjà été saisis, et Trump a annoncé lundi qu’il pourrait tout simplement « garder » leur marchandise. Détenant les plus grandes réserves connues de brut au monde, le Venezuela dépend entièrement de l’exportation de ses ressources. Comme les navires « fantômes » forment 40 % de sa flotte de transport, l’arrêt de leur activité pourrait être fatal à l’économie.
« Avec un blocus, la chute du PIB serait gigantesque, explique Colette Capriles, professeure de philosophie politique à l’université Simón Bolívar. Le pays se verrait dans l’obligation de vendre son pétrole encore moins cher qu’actuellement. » Le Venezuela, sanctionné par Washington, n’a pas accès aux marchés traditionnels pour vendre son brut. Il le brade donc, à la Chine surtout, et se retrouve contraint de le faire transporter par des navires aux méthodes de contrebandiers : anciens et dangereux, battant pavillon suspect, ils chargent en pleine mer, signal GPS éteint.
« Oui, Donald Trump aimerait voir Nicolás Maduro quitter Miraflores [le palais présidentiel – ndlr], c’est évident. Et en quatre mois la présence militaire n’a pas fonctionné, poursuit Colette Capriles. Nous faisons face à un changement de stratégie : désormais, Trump veut mettre la pression sur l’économie. » « Une menace beaucoup plus réelle, considère Phil Gunson, que celle des attaques et des bombes. »
Les soutiens locaux de Trump
Depuis août dernier, la pression militaire inquiète en coulisses Nicolás Maduro et ses proches mais n’a pas empêché le pays de vivre à son propre rythme, sans s’alarmer. Habitué·es aux crises, les Vénézuélien·nes ont préparé Noël dans le calme. Les maisons, comme les rues, ont été décorées, et les centres commerciaux de la capitale ne désemplissaient pas quelques jours avant le réveillon.
Mais avec cette nouvelle stratégie, « nous courons le risque de revenir en 2017 », explique Colette Capriles. Une année noire pour le pays caribéen, avec plus de 2 600 % d’inflation, une chute de 15 % du PIB, et durant laquelle 10 millions de personnes ont eu faim. Cette année-là, Lourdes et sa famille n’ont pas préparé de hallacas.
Malgré ce spectre inquiétant, l’opposante et désormais Prix Nobel de la Paix, María Corina Machado, continue de soutenir coûte que coûte la stratégie du locataire de la Maison-Blanche, qu’elle considère comme un « défenseur de la liberté ». Actuellement en Europe, après avoir quitté son pays où elle vivait dans la clandestinité depuis plus d’un an, elle s’est rendue à Oslo pour recevoir sa prestigieuse récompense, sans pour autant adoucir son discours. (...)
Si Donald Trump a bel et bien échangé au téléphone avec son homologue du palais de Miraflores, cela ne l’a pas empêché de continuer à mettre la pression sur le pays caribéen, sans qu’aucun accord ne soit en vue pour le moment. Pourtant, « nous sommes au bord d’un nouveau cycle d’hyperinflation, considère Phil Gunson, et la crise humanitaire que nous vivons va encore s’empirer ». Le blocus pétrolier pourrait replonger le Venezuela dans ses années les plus noires.