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Les structures cognitives des sociétés humaines
#humanite #societes
Article mis en ligne le 1er janvier 2024
dernière modification le 31 décembre 2023

Pascal Boyer explore les fondements cognitifs des comportements sociaux humains, en ne cédant ni au déterminisme biologique ni à la singularité anthropologique.

Les grandes théories sociales formulées au cours des derniers siècles ont le plus souvent oscillé entre une forme de biologisme, qui tend à déduire tous les phénomènes sociaux à partir des dispositions physiques ou génétiques des êtres humains, et une approche anthropologique, qui refuse cette réduction et qui se réfère plutôt à l’esprit humain, mettant en avant ses capacités d’éducation et de transmission. L’anthropologue Pascal Boyer, directeur de recherche au CNRS et professeur à l’université Washington de Saint-Louis aux États-Unis, explore pour sa part une troisième voie, qui consiste à éclairer la question de la vie en société à la lumière des travaux récents en sciences cognitives. (...)

Les humains et l’entraide

Le point de départ de la réflexion de Boyer réside dans un constat : les humains ne peuvent pas vivre isolés, ne serait-ce que pour les besoins de la reproduction de l’espèce. Cela explique les groupements familiaux, mais aussi extra-familiaux, qui garantissent la survie de leurs membres.

L’auteur souligne également l’importance de l’entraide dans la vie sociale des individus : ce soutien social est un facteur de coopération qui a favorisé aussi bien la chasse, le commerce et la défense que l’éducation des enfants. (...)

Boyer montre que les affects eux-mêmes se construisent dans la relation interindividuelle : la haine, l’envie, l’amour, la pitié ou encore la gloire sont autant de formes affectives prises par la confrontation et la relation avec un « autre », que l’on reconnaît en même temps comme un semblable, relevant de droits communs et soumis à des codes similaires.
Tous ces exemples permettent de comprendre que les structures du comportement humain se forment à partir des informations que chaque individu échange avec son environnement et ses congénères, et soulignent ce faisant le rôle crucial de l’apprentissage dans leur émergence.

L’apport des sciences cognitives

C’est alors qu’interviennent les sciences cognitives. Ce sont en effet certains mécanismes mentaux qui rendent possible et entretiennent l’apprentissage.Boyer montre que les affects eux-mêmes se construisent dans la relation interindividuelle : la haine, l’envie, l’amour, la pitié ou encore la gloire sont autant de formes affectives prises par la confrontation et la relation avec un « autre », que l’on reconnaît en même temps comme un semblable, relevant de droits communs et soumis à des codes similaires.
Tous ces exemples permettent de comprendre que les structures du comportement humain se forment à partir des informations que chaque individu échange avec son environnement et ses congénères, et soulignent ce faisant le rôle crucial de l’apprentissage dans leur émergence.

L’apport des sciences cognitives

C’est alors qu’interviennent les sciences cognitives. Ce sont en effet certains mécanismes mentaux qui rendent possible et entretiennent l’apprentissage. (...)

Or, ce sont là des catégories acquises et des modèles cognitifs perpétués d’une génération à l’autre. Boyer remarque d’ailleurs que pour que des alliances émergent entre individus, ceux-ci doivent disposer de représentations mentales spécifiques, qui leur permettent de se représenter un monde partagé.

De telles catégories évitent à l’auteur de réduire les comportements humains soit au seul déterminisme biologique, soit à la seule construction sociale : les structures mentales se développent, s’affinent et se solidifient au fil de l’évolution historique et sociale, de sorte que les dispositions cognitives sont elles-mêmes produites par l’apprentissage. L’esprit humain apparaît finalement comme un remarquable instrument de traitement de l’information, qui s’enrichit de chaque interaction avec le monde social qui l’entoure. (...)

Cette étude systématique du développement cognitif mène Boyer à conclure que l’évolution a engendré des capacités spécialisées guidant nos relations sociales et la constitution de notre culture.

Quelques résultats saillants

Du fait de cette approche novatrice, l’ouvrage comporte un certain nombre de considérations épistémologiques. Boyer prend la peine de restituer les débats historiques qui ont opposé les différentes conceptions des sociétés humaines (soit à partir de leur rupture avec les autres comportements animaux, soit à partir de leur conformité avec les composantes génétiques humaines) et de situer ses propres concepts par rapport à elles.

La notion d’information, en particulier, fait l’objet de précisions importantes, qui l’insèrent dans la perspective globale des sciences cognitives (...)

Ces nuances permettent à l’auteur de produire des analyses originales concernant tel ou tel phénomène social. On pourra mentionner, en ce sens, l’analyse des violences entre individus ou entre groupes sociaux : loin de rapporter ces comportements violents à des passions ou à des instincts primaires et irréfléchis, comme on le fait communément, Boyer montre plus finement qu’on peut les interpréter comme les résultats de « calculs » mentaux complexes. (...)

L’ensemble de ces analyses, dont les objets sont très variés, permet au lecteur de porter un regard neuf sur les comportements sociaux les plus courants, et de s’interroger, par-delà certains préjugés, sur les structures plus fondamentales qui les rend possible au sein de l’esprit humain.