
Il fut un temps où les conflits s’étendaient sur plusieurs générations, comme la Guerre de Cent Ans entre l’Angleterre et la France. Puis, on nous a prédit que la ‘guerre mondiale contre le terrorisme’ serait une « guerre éternelle ». On a appris les récits des guerres de durée limitée, comme la guerre de Sécession ou la Première Guerre mondiale. Concernant les guerres d’Afghanistan et d’Irak, le timing est différent. Elles pourraient durer encore longtemps, même si les missions justifiant les interventions sont déclarées accomplies et les forces expéditionnaires retirées. Parce que les horreurs de Pandore ne peuvent pas être remises en boîte aussi facilement. En attendant, nul ne peut se hasarder en disant de façon catégorique : ‘c’est fini’.
Dans l’espoir de les zapper, les guerres qui ne s’arrêtent pas sont et seront simplement ‘gelées’ la température des conflits abaissée par une succession de cessez-le-feu. En misant sur le temps, dans l’espoir que certains traumatismes soient cicatrisés ou que les infections de la haine se soient apaisées. Au pire, ils risqueront de s’effondrer, quelle que soit la durée de leur congélation, tout comme les immortels qui ont choisi d’enterrer leurs cadavres dans des cuves d’azote liquide et qui ne reviendront probablement jamais à la vie après leur décongélation.
Les conflits gelés sont l’occasion d’affrontements réels et violents qui prennent fin. Momentanément. Ces conflits non résolus peuvent être suivis d’un accord ou bien rester dans une ‘terra incognita’ juridique. (...)
Attention : les ‘conflits gelés’ ne le sont en effet jamais vraiment et ils conservent tout leur potentiel de déstabilisation. Comme le rappelle l’ancien diplomate Brian Fall (cf. ‘Le Monde’ du 4 novembre 2020) : « La meilleure analogie serait avec une rivière gelée, immobile en apparence, mais sous la couche de glace le courant reste toujours aussi fort ». Cela se vérifie (aussi) en Afrique. L’Ethiopie, après l’Erythrée et la guerre oubliée du Tigré (avec un cessez-le-feu en novembre 2022 est au bord d’un nouvel embrasement. Pratiquement partout ailleurs où un conflit armé est en cours, les diplomates n’ont pas réussi à convaincre les factions belligérantes de signer des traités de paix.
Des paix insaisissables (...)
Les raisons pour lesquelles la paix est si souvent hors de (notre) portée sont multiples.
D’abord, le monde est inondé d’armes, une inondation qui n’est en rien une catastrophe naturelle. (...)
Secundo, les institutions internationales et régionales sont faibles, en voie d’épuisement. (...)
Ces institutions restent faibles en partie parce que les États sont également plus faibles. (...)
Vivre par l’épée, mourir par l’épée – et il n’y a pas de miracle médical qui puisse nous sauver de cette maladie mortelle. Ceci soulève une question fondamentale dans ce monde en voie de militarisation rapide : sommes-nous encore en mesure de mettre fin à une guerre ?