
Début novembre 2024, le FMI a décidé de créer un 25e poste de directeur exécutif. On en parlait depuis une quinzaine d’années, il devait être attribué à l’Afrique subsaharienne. Est-ce une bonne nouvelle pour l’Afrique ? Va-t-elle bénéficier d’une plus grande considération dans les instances du Fonds ?
En fait il faut dire tout de suite que non, c’est une fausse bonne nouvelle : l’ensemble des pays d’Afrique subsaharienne étaient regroupés au sein de deux groupes (sauf le Ghana qui était dans un troisième groupe) qui avaient, en pouvoir de votes, 4,63 %. Maintenant ils sont répartis en trois groupes au lieu de deux et ils ont 4,61 % des voix. Donc, dans les votes au sein de la direction du FMI, le poids de l’Afrique n’a pas augmenté, il a même légèrement diminué. (...)
Les États-Unis, à eux seuls ont droit à un directeur exécutif qui, lorsqu’il vote, représente 16,49 % des voix dans une situation où les votes importants impliquent de réunir 85 % des voix. Les États-Unis sont donc le seul pays qui, à lui seul, possède un droit de veto.
Si on prend la France, elle a 4,03 % des voix, donc à peine un peu moins que tous les pays d’Afrique subsaharienne réunis.
L’Allemagne a, à elle seule, 5,31% des voix, c’est à dire nettement plus que l’ensemble des pays d’Afrique subsaharienne.
Chaque directeur/directrices exécutif·ve représentant un groupe de pays d’Afrique parlera au nom d’une quinzaine de pays. Cela veut dire qu’il essayera de mettre d’accord ces pays sur une position commune alors que les États-Unis, à eux seuls, ont un directeur exécutif qui ne doit consulter aucun autre pays, de même pour la France, de même pour l’Allemagne, pour le Japon, pour l’Arabie saoudite, de même pour la Russie (qui est là avec la Syrie), ou pour la Chine.
Quand le représentant africain parle, le représentant américain ou français qui l’écoute se dit : « Ce représentant africain ne représente que 1,4 % des voix, cela n’a pas de poids ». Et même si ce représentant se met d’accord avec les deux autres directeurs exécutifs africains, ils ne font que 4,61 %, ce qui est moins que l’Allemagne à elle seule. Donc ça ne pèse absolument pas. (...)
Il faut rappeler que, depuis la création du Fonds monétaire international, ça a toujours été un Européen ou une Européenne qui a dirigé le Fonds tandis que, depuis la création de la Banque mondiale, cela a toujours été un homme citoyen des États-Unis, désigné par le président de ce pays. Donc jamais un·e représentant·e du Sud n’a pu diriger le FMI ou la Banque mondiale ;
Il faut aussi souligner que les directeurs exécutifs qui représentent l’Afrique ou d’autres pays du Sud sont des personnes totalement formatées dans l’esprit du FMI ou de la Banque mondiale. Ils sont programmés « politique néolibérale, privatisations, ouverture des marchés ». Donc un Africain de plus qui pense comme les autres et qui est formaté comme les autres, cela ne constitue pas non plus un pas en avant favorable aux populations africaines.
Ce qu’il faut dire aussi, c’est que deux pays très importants d’Afrique subsaharienne ont perdu une partie importante de leurs droits de vote lors de la réforme précédente datant de 2010, mise en pratique à partir de 2016. (...)
Il faut souligner que les représentants africains, formatés, n’ont jamais mis en avant un candidat africain pour diriger le Fonds.
Conclusion, pour le CADTM, les changements au sein du FMI sont purement cosmétiques et visent à donner l’impression qu’il y a une démocratisation alors que ce n’est absolument pas le cas ; c’est un organisme totalement antidémocratique, qui exerce un pouvoir on peut dire despotique en tant que créancier privilégié parce qu’il impose systématiquement des conditionnalités dès qu’un pays a recours à ses crédits. Cela vient d’être le cas en cette année 2024 avec les mesures impopulaires que le FMI a voulu imposer au Kenya ou au Nigeria, avec la complicité des gouvernements locaux. Elles ont provoqué des révoltes populaires dans ces deux pays, avec une répression très importante (60 mort·es au Kenya, de nombreux emprisonnements au Nigeria). Dans le cas du Kenya, heureusement, le mécontentement est tel que certaines des mesures exigées par le FMI ont été abandonnées. Cela montre que le FMI ne change rien à ses politiques d’agression des intérêts populaires. Il ne se démocratise pas et donc, pour le CADTM, il devrait être dissous et remplacé par un nouvel organisme multilatéral, qui pourrait s’appeler Fonds monétaire international, avec d’autres statuts et notamment une charte de fonctionnement démocratique. Un de ces objectifs serait de collecter des taxes internationales sur les grandes entreprises transnationales. Il aurait pour fonction de lutter contre les paradis fiscaux et d’assurer, effectivement, une stabilité monétaire et le plein emploi.