
L’attaque aux bipeurs piégés menée contre le Hezbollah est une réussite pour les services israéliens auxquels elle est attribuée. L’État hébreu semble choisir de se rapprocher encore un peu plus d’une déflagration régionale. Sans objectif stratégique défini, sinon la guerre.
Les bruits de bottes se font de plus en plus bruyants au nord d’Israël. La 98e division de l’armée, qui comprend des brigades de parachutistes et des commandos, a été déplacée de Khan Younès, dans la bande de Gaza, vers le nord de l’État hébreu, du côté de la frontière libanaise. Ce mouvement n’était pas prévu, il a été décidé mardi 17 septembre et rendu public mercredi par la radio militaire israélienne. Tel-Aviv a aussi annoncé le rappel de réservistes qui seront déployés dans la même zone.
Ces mouvements interviennent alors que deux vagues d’attaques électroniques attribuées à Israël ont frappé le Liban (...)
La deuxième vague, mercredi, a provoqué l’explosion de talkies-walkies et de batteries au lithium, mettant le feu à des appartements et à des véhicules. (...)
« L’humeur est à la fois à la joie et à la fierté, sur le mode “nous sommes les plus forts, nous tuons les terroristes”, et à la confusion et la peur car tout le monde s’attend à des représailles », raconte Ori Goldberg, commentateur politique israélien, depuis Herzliya, au nord de Tel-Aviv. (...)
Une marche inéluctable vers la guerre totale ?
Pour autant, la question se pose de la stratégie mise en œuvre. « Cette opération renforce-t-elle notre position stratégique ?, interroge Ori Goldberg. Le passé le montre : Israël mène une politique d’assassinats, mais il n’en sort rien. Le Hezbollah est toujours là, et c’est une organisation très efficace, qui ne sera pas abattue comme ça. En fait, Israël veut une guerre au nord, mais ne veut pas, ou ne peut pas la commencer. Il veut que ce soit le Hezbollah qui la commence. »
Ces derniers jours, les préparatifs d’une guerre ouverte ont semblé se précipiter côté israélien. Dimanche, des tracts ont été largués au-dessus du village libanais de Wazzani, à la frontière avec l’État hébreu. Du même type que ceux lâchés au-dessus de Gaza pour exiger l’évacuation de zones avant une offensive israélienne, ils intimaient aux habitant·es du bourg de « quitter immédiatement » leurs domiciles. « Quiconque [sera] resté dans cette zone après cette heure sera considéré comme un terroriste », menaçaient-ils. L’armée israélienne a annoncé que les tracts avaient été largués sans autorisation par un commandant régional, qu’aucun ordre d’évacuation n’était en cours et qu’elle ouvrait une enquête.
L’incident demeure cependant un bon indicateur de l’ambiance. Et de fait, le lendemain, lundi, lors d’une réunion du cabinet autour du premier ministre Benyamin Nétanyahou, le retour des habitant·es du nord du pays, déplacés internes depuis l’ouverture des hostilités avec le Hezbollah le 8 octobre 2023, est devenu un « objectif de guerre ». (...)
Elément supplémentaire en ce début de semaine : des fuites dans la presse israélienne font état de la volonté de Benyamin Nétanyahou de se séparer du ministre de la défense, Yoav Gallant, critique et peu enclin à engager une guerre ouverte avec le Hezbollah, pour le remplacer par un homme à la fois plus faucon et plus docile. (...)
Le gouvernement Nétanyahou ne veut pas d’un accord avec le Hamas et fait face à des manifestations qui l’accusent d’abandonner les otages. (...)
Le Liban tout entier est visé
Jusque-là, le « Parti de Dieu », entré en conflit avec l’État hébreu en soutien aux Palestiniens le 8 octobre 2023, s’est gardé de toute action pouvant déboucher sur une guerre totale.
Rien ne dit cependant qu’il pourra encore longtemps tenir cette ligne.
Sur les réseaux sociaux libanais, de nombreuses voix, bien au-delà des soutiens du Hezbollah, ont dénoncé les événements de mardi comme du « terrorisme ». (...)
L’histoire tragique des explosions
Le mode opératoire ravive en outre les traumas profonds du Liban, davantage encore que les tirs, missiles et drones qui ont, depuis le 7 octobre, tué plus de six cents personnes dans le pays, dont environ un quart de civils, à mettre en regard avec les vingt-quatre militaires et vingt-six civils tués, eux, en Israël, par les munitions du Hezbollah, sur la même période.
L’histoire du Liban est en effet tissée par des explosions meurtrières qui ont, à maintes reprises, endeuillé Beyrouth, redistribué les cartes politiques et mené à des guerres régionales. (...)