
Se présentant comme engagé sur les questions écologiques, Michel Barnier a tenu devant l’Assemblée un discours techno-solutionniste particulièrement passéiste, qui masque aussi d’importants reculs, notamment sur le « zéro artificialisation nette » et les passoires thermiques.
De mémoire de déclaration de politique générale, rarement l’écologie n’avait été placée aussi haut dans la bouche d’un premier ministre. (...)
Sauf qu’à entendre le reste de son discours, le premier ministre a plutôt présenté une série d’orientations qui, pour beaucoup, s’inscrivent dans la pure continuité des politiques des vingt dernières années – et de l’inaction climatique –, et qui, pour certaines, marquent même d’importants reculs.
Passé les jolies formules empruntées à Antoine de Saint-Exupéry – « Nous n’héritons pas de la terre de nos ancêtres, nous l’empruntons à nos enfants » – ou Pierre Mendès France – ne jamais « sacrifier l’avenir au présent » –, Michel Barnier a ressorti un discours sur l’écologie qui fleurait bon la naphtaline.
Engagement « résolu » dans la filière nucléaire, « encouragement à l’innovation », « renforcement de nos filières de recyclage »… : le premier ministre croit en une « écologie des solutions ». Une écologie « techno-solutionniste » qui évite de remettre en cause nos modèles productifs capitalistes, drogués à la croissance.
Soucieux des deniers publics, Barnier ne semble pas gêné d’investir des milliards dans de nouvelles centrales qui ne produiront pas avant quinze ou vingt ans…, au détriment d’un plan massif d’investissement dans les énergies renouvelables. (...)
Ce qui prime et continuera de primer est bien le développement de notre industrie, si possible vaguement repeinte en vert.
Sur le volet agricole, en laissant entendre que les agriculteurs et agricultrices ont déjà « engagé la transformation de leur filière… en s’adaptant au changement climatique », Barnier ne prend pas trop de risques. (...)
La victoire du lobbying anti-écolo
Après des années de lobbying intense des acteurs de l’immobilier, Michel Barnier a aussi cédé en revenant sur le calendrier d’interdiction de louer des passoires thermiques. (...)
Si Michel Barnier a bien affirmé qu’il souhaitait évidemment « préserver la biodiversité », on ne pourra que s’étonner aussi de son recul sur le zéro artificialisation nette (ZAN), qui est pourtant l’une des politiques les plus importantes pour freiner l’effondrement de la biodiversité.
Arguant des « besoins essentiels de l’industrie et du logement », le nouveau premier ministre a indiqué qu’il faudrait « faire évoluer de manière pragmatique » cette loi visant à réduire de moitié d’ici 2030 les surfaces artificialisées pour aller vers le « zéro artificialisation » d’ici 2050. Là encore, le lobbying de nombre d’élus locaux mais aussi de la promotion immobilière a visiblement payé. La disparition du secrétariat d’État à la biodiversité donnait, il est vrai, un bon aperçu de l’appétence du nouveau gouvernement pour le sujet.