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France24
Du Maroc à Madagascar, la génération Z fait sonner la révolte au-delà des frontières
#generationZ #revoltes
Article mis en ligne le 4 octobre 2025
dernière modification le 2 octobre 2025

Depuis 2022, une série de soulèvements menée par la génération ultra connectée, née au milieu des années 1990, fait trembler les élites vieillissantes et corrompues de plusieurs pays du Sud. Après le Népal, Madagascar et le Maroc apparaissent comme les derniers exemples de ces mobilisations où se mêlent colère sociale et solidarité numérique.

Un cliché tenace la dépeint comme apathique et peu intéressée par la politique. Mais ces dernières semaines la génération Z a offert un sérieux démenti. En témoignent les images d’une jeunesse en révolte dans les rues de Katmandou au Népal, de Jakarta en Indonésie mais aussi de Rabat au Maroc et d’Antananarivo à Madagascar, deux pays africains où la mobilisation se poursuit mercredi 1er octobre.

Depuis une semaine, la grande île de l’océan indien est secouée par un mouvement de contestation né sur les réseaux sociaux à l’appel de "Gen Z Madagascar", un groupe informel composé pour l’essentiel de jeunes et d’étudiants qui se revendique "pacifique et citoyen". Si la jeunesse représente l’écrasante majorité des habitants de Madagascar dont les deux tiers avaient moins de 30 ans en 2023, selon l’Unicef, jamais la Gen Z n’avait pris une part aussi active dans un mouvement de contestation politique. (...)

"Ce mouvement est avant tout inédit par sa forme profondément horizontale, spontanée et décentralisée. Contrairement aux mobilisations du passé portées ou récupérées par des partis politiques, des syndicats ou des figures charismatiques, celle-ci est née d’une indignation collective organique, principalement dans des espaces numériques, et s’est structurée sans leader unique", décrypte Ketakandriana Rafitoson, enseignante-chercheure en Science politique à l’Université catholique de Madagascar et membre de Transparency International.

"Cela lui donne une puissance symbolique nouvelle car elle ne répond pas à une logique de conquête du pouvoir, mais à un impératif existentiel, celui de réclamer un avenir vivable", conclut l’experte.

Une culture numérique commune (...)

Cette colère sociale portée par une jeunesse connectée et révoltée contre les inégalités s’inscrit dans un mouvement transfrontalier qui a déjà touché plusieurs pays d’Asie ces derniers mois comme au Népal début septembre où le gouvernement a été balayé en quelques jours, aux Philippines ou encore en Indonésie. Avant cela, le Bangladesh, le Sri Lanka mais aussi le Kenya avaient connu des mouvements similaires. (...)

Au Maroc, des milliers de jeunes, actifs sur la messagerie Discord, manifestent depuis samedi à l’appel d’un mouvement qui se revendique lui aussi de la Gen Z. Également Inédit par son organisation et ses modes d’actions, ses demandes s’inscrivent toutefois dans la continuité des précédents soulèvements sociaux dans le Royaume, estime Mehdi Alioua, sociologue à Sciences Po Rabat-UIR.

"On retrouve finalement les mêmes slogans avec une demande d’une vie plus digne, d’une meilleure répartition des richesses, et surtout de systèmes scolaires et médicaux qui fonctionnent. Ces jeunes voudraient jouer le jeu de la méritocratie, mais constatent que les dés sont pipés", affirme le chercheur. (...)

À Madagascar, les manifestants revendiquent directement l’influence de ces mouvements asiatiques nés à plusieurs milliers de kilomètres, mais rendus proches par une culture numérique transnationale et des préoccupations communes, à commencer par la lutte contre les inégalités et la corruption.

"Les protestations au Népal ont été un moment clé pour la création du mouvement Gen Z Madagascar. Relayé largement sur les réseaux sociaux, ces protestations en Asie ont joué un rôle majeur dans l’éveil collectif dans le pays", explique une membre du mouvement qui préfère garder l’anonymat pour des raisons de sécurité. (...)

Autre dénominateur commun de tous ces mouvements : l’appel à une réorientation des priorités de l’action public. À Madagascar, c’est le coûteux téléphérique d’Antanarivo, jugé déconnecté des besoins de la population, qui cristallise une partie de la colère de la jeunesse. (...)

Au Maroc, les manifestants pointent du doigt les sommes pharaoniques investies dans la rénovation de plusieurs stades pour la prochaine Coupe d’Afrique des nations et le Mondial 2030 au détriment des services publics.

"Il y a une interconnexion de la gen Z, en particulier celle des pays du Sud global, dont les aînés ont mené la révolution décoloniale. Mais aujourd’hui, il y a une fracture générationnelle car ces jeunes estiment que les promesses d’une nation indépendante avec des institutions qui fonctionnent n’ont pas été tenues à 100 %", explique Mehdi Alioua.

"Les points communs sont frappants entre tous ces mouvements à la fois en termes de revendications et de modes d’action avec des campagnes virales, des slogans simples et inclusifs, ainsi que le refus d’une hiérarchie classique. Dans tous ces pays, la jeunesse agit comme le révélateur d’une crise d’État profonde", analyse Ketakandriana Rafitoson. (...)

"La Gen Z n’a peut-être pas encore de projet politique formalisé. Toutefois, elle a déjà changé les termes du débat avec l’idée qu’il ne s’agit plus de survivre dans un système défaillant, mais de le transformer radicalement", estime Ketakandriana Rafitoson. "Ce n’est pas une révolte passagère, mais c’est un changement générationnel profond qui est en marche. Nous vivons peut-être aujourd’hui à travers le monde un moment de bascule".