
M. Macron a appelé à supprimer tout bonnement la directive européenne sur le devoir de vigilance des entreprises. Il fait ainsi fi des droits humains et de l’environnement, alerte Clara Alibert de CCFD-Terre solidaire.
Sourire aux lèvres, il a fait son annonce entouré d’investisseurs et de représentants des lobbies industriels. Emmanuel Macron a appelé à la suppression pure et simple de la directive européenne sur le devoir de vigilance (CS3D), lors du sommet Choose France au château de Versailles, lundi 19 mai. Et ce, quelques jours après que le chancelier allemand Friedrich Merz a tenu des propos similaires.
Cette directive a été adoptée il y a un peu plus d’un an par le Parlement européen. Las, elle n’a jamais été mise en œuvre et est déjà en cours de révision dans le cadre du projet de loi « omnibus » [1]. Elle est pourtant cruciale pour responsabiliser les multinationales : elle doit les contraindre à lutter contre les violations de droits humains et les dégâts environnementaux commis tout au long de leur chaîne de production.
Sont concernées les entreprises de plus de 1 000 salariés, réalisant un chiffre d’affaires d’au moins 450 millions d’euros et qui opèrent sur le marché européen. Le texte permet en outre de rendre justice aux personnes affectées par leurs activités, partout dans le monde, en leur donnant accès aux tribunaux européens.
Avec cette déclaration, Emmanuel Macron poursuit son opération de sabotage de la directive au grand jour — après les efforts de la France en coulisses pour en réduire la portée — dénonce Clara Alibert, chargée de plaidoyer pour CCFD-Terre solidaire. (...)
Clara Alibert — Le masque tombe. Son revers de la main au moment où il dit que la directive doit être « out of the table », littéralement « virée de la table », est très violent. Son rire juste après au milieu des applaudissements illustre son mépris des normes sociales et environnementales. C’est très dangereux : ici, Emmanuel Macron dit aux multinationales comme Total, Shein ou Decathlon : continuez à faire ce que vous voulez, vous avez carte blanche pour détruire l’habitat des éléphants en Ouganda pour des projets pétroliers, vendre des vêtements qui contiennent des produits toxiques ou faire travailler des enfants dans les usines de textile. Tant pis pour les droits humains et l’environnement, ils ne sont qu’une variable d’ajustement.
Emmanuel Macron a ensuite expliqué que cette réglementation freinait la compétitivité européenne et que face à la concurrence des entreprises chinoises et américaines, il fallait « aller vite et fort » en dérégulant à tout-va. (...)
Alors que la France est dotée depuis 2017 d’une loi sur le devoir de vigilance des entreprises, le souhait d’Emmanuel Macron de retirer la directive européenne sur le sujet paraît illogique.
À première vue, cela paraît absurde. S’il parvient à ses fins et que la directive européenne est supprimée, cela créerait une distorsion réglementaire entre la France et le reste des pays membres. Les entreprises françaises seraient les seules avec l’Allemagne à devoir appliquer les obligations de vigilance sociale et environnementale. L’option pour Macron pourrait être alors d’abroger cette loi. (...)
Il y a eu des années d’ambiguïté au sujet de la directive européenne sur le devoir de vigilance. Maintenant, au moins, la position de la France est claire.
C’est sûr que les déclarations d’Emmanuel Macron mettent fin à un certain flou. Il assume enfin. (...)
La déclaration d’Emmanuel Macron quelques jours après celle du chancelier allemand risque-t-elle d’enterrer la directive sur le devoir de vigilance ?
Les déclarations d’Emmanuel Macron et de Friedrich Merz peuvent en effet entraîner un effet en cascade parmi les autres États membres, qui souhaiteraient à leur tour supprimer cette directive.
Malgré le signal envoyé, il y a des règles de négociations au sein de l’Union européenne. D’abord, car la directive sur le devoir de vigilance est déjà en train d’être révisée dans le cadre du paquet de loi « omnibus », actuellement en négociations. C’est un ensemble de nouvelles règles proposées par la Commission européenne pour alléger les « contraintes » administratives pesant sur les entreprises. Alors que la version initiale de la directive demandait aux groupes de surveiller tous leurs fournisseurs, la version révisée dans le cadre du paquet de loi « omnibus » ne s’applique qu’aux fournisseurs « directs » et non aux sous-traitants.