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Des zadistes accueillis dans leur jardin : comment une famille lutte contre l’A69
#A69 #ZAD #resistances
Article mis en ligne le 11 juin 2024
dernière modification le 10 juin 2024

En Haute-Garonne, une famille refuse de quitter sa maison située sur le tracé de l’autoroute A69. Elle a même accueilli des zadistes dans son jardin, ce qui retarde le chantier.

« On les appelle des écoterroristes, mais ce sont les zadistes qui nous permettent de nous sentir en sécurité ici. » Aux abords de la maison qu’ils louent, à la sortie de Verfeil en Haute-Garonne, Alexandra et Thomas papotent avec leurs nouveaux colocataires. « J’ai aménagé ici en 2013 et j’ai appris par hasard durant le printemps 2020 que l’autoroute allait passer sur notre terrain. J’étais enceinte à ce moment-là et c’était un vrai choc », rembobine Alexandra devant les quelques militants opposés à l’autoroute A69 qui se sont installés sur son terrain. Depuis fin mars, il est devenu une zad.

« Cela m’a fait un bien fou de les voir arriver. Je me demandais souvent ce que je ferais si les machines de NGE [le concessionnaire de l’A69] arrivaient sur le terrain alors que j’étais seule à la maison, surtout avec mon genou en vrac. J’avais vraiment peur », poursuit celle qui est en arrêt depuis plus d’un an après un accident du travail. (...)

Un cadre idyllique alors qu’à quelques mètres de là, cachés par d’imposants arbres, les engins de NGE continuent leur travail. Un pont tout neuf sur lequel s’affairent des salariés est sorti de terre il y a quelques mois et fait désormais partie du paysage. Les champs autour ont été terrassés, laissant une terre nue et poussiéreuse. D’énormes machines bruyantes font des va-et-vient sur ces sols sans vie, parfois recouverts d’une couche de géotextile. Le chantier de l’autoroute A69 en impose lorsqu’on sort de ce village de Haute-Garonne par la route départementale 20 en direction de Castres.

Protégée par une barricade naturelle, la maison de 180 m² que louent Alexandra et sa famille est toujours debout. Une maison qu’ils louent et qu’ils peuvent occuper légalement jusqu’au 1er novembre 2025, comme le spécifie leur bail. Ce sont les derniers habitants sur le tracé de l’autoroute, et un caillou dans la chaussure pour le concessionnaire.
Visite du concessionnaire avant Noël

Fin 2021, le groupe NGE a remporté la concession au terme d’un appel d’offres pour exploiter la future autoroute A69 qui doit relier Verfeil à Castres. Dans la foulée, il s’est mis à exproprier le plus rapidement possible les propriétaires qui se trouvent sur le tracé. En tout, environ 820 personnes, dont de nombreux agriculteurs et leurs parcelles, seraient concernés. Le concessionnaire annonçait détenir 80 % du foncier nécessaire à la construction de l’autoroute fin 2023. (...)

En plus des vibrations, Alexandra souligne également les fortes odeurs dégagées « notamment lorsqu’ils utilisent de la chaux sur le chantier. C’est tellement fort que c’est parfois compliqué de respirer. Quand c’est le cas, même mon garçon se met à tousser quand il joue dans le jardin ».

Ces nuisances s’ajoutent à la pression que subit la famille depuis le début des travaux (...)

Face à ce qu’il estime comme du « mépris », le couple a donc décidé d’envoyer la capture d’écran à des militants anti-A69. « Quelques jours plus tard, des personnes ont sonné à la maison. Ils étaient en baudrier [harnais pour faire de l’escalade] et m’ont expliqué vouloir monter dans les arbres du jardin pour les protéger », raconte-t-elle. (...)

Ces « écureuils » se sont ainsi installés sur le terrain d’Alexandra et Thomas et cohabitent depuis fin mars avec la petite famille.

« On ne savait pas du tout comment ils allaient réagir quand on est arrivés chez eux », explique Ed, l’un des zadistes qui habitent le lieu. « Alexandra nous a dit que sa famille n’en pouvait plus de mener ce combat seule, ils voulaient se sentir acteurs et arrêter de subir. Tout est fait pour que les expropriés se sentent isolés et démunis face à la machine Atosca. »

Le lendemain, une voiture de police est entrée sur le terrain pour prendre des photos des zadistes présents sur place et questionner Alexandra. « J’ai dit que c’était des invités que j’accueillais chez moi, et c’est le cas », déclare-t-elle en pointant du doigt le portail de l’entrée qui reste fermé depuis cet épisode. (...)

Ses « invités » sont désormais ses colocataires. (...)

Cette nouvelle zad a été baptisée « Le Verger », en référence aux nombreux arbres fruitiers présents sur le terrain et vient s’ajouter aux deux autres occupations déjà présentes dans le Tarn contre l’autoroute.

Dans le même temps, des négociations confidentielles se poursuivent entre la famille d’Alexandra et le groupe NGE-Atosca. Le concessionnaire souhaite régler ce cas au plus vite pour éviter un enlisement de la situation et tenter de terminer son autoroute à temps, même si les militants anti-A69 pointent d’ores et déjà les nombreux retards du chantier.