À Valence, une association vient d’ouvrir une des premières unités de fabrication d’urinofertilisants. Objectif : transformer le pipi d’une centaine de personnes en engrais pour les champs.
Quelques magazines, un rouleau de PQ, un mur tapissé d’affiches… Au premier abord, les toilettes d’Olivier Coupiac n’ont rien d’original. Au premier abord seulement. Car en lieu et place d’une chasse d’eau, la cuvette est équipée d’un tapis roulant afin de séparer les urines — qui coulent directement dans un tuyau — des excréments.
Ces derniers finissent leur course odorante dans une boîte hermétique et ventilée, avant d’être compostés au fond du jardin. L’or jaune, quant à lui, atterrit trois étages plus bas, dans une cuve. Car l’objectif, dans cet habitat participatif nommé La Mélo, n’est pas uniquement d’économiser de l’eau. « On récupère nos excrétas pour les valoriser », sourit l’heureux propriétaire du trône écolo.
Que faire des 1 000 litres de liquide ammoniaqué produits chaque mois par les dix logements de l’immeuble valentinois ? La réponse à cette pressante question se situe à une dizaine de kilomètres, dans la station d’épuration de Portes-lès-Valence. C’est ici qu’Emy Cretegny a ouvert une petite usine d’urinofertilisants, baptisée Factopi. En clair : elle fabrique des engrais à base de pipi.
Le scandale écologique des lieux d’aisance
À l’origine de cette idée fertile, une absurdité : « D’un côté, on envoie nos excrétas au tout-à-l’égout, avec beaucoup d’eau, un coût énergétique important et un risque de pollution de nos rivières, indique celle qui a longtemps travaillé dans le traitement de l’eau. De l’autre, on dépend d’engrais de synthèse polluants pour produire notre nourriture. » (...)
es promoteurs des toilettes sèches pointent depuis longtemps le scandale écologique que représentent nos lieux d’aisance. Et à l’autre bout de la chaîne, nombre d’agriculteurs — notamment en bio — peinent à trouver de quoi amender leurs champs.
« Avec la baisse du nombre d’animaux d’élevage, on a de moins en moins accès à du fumier et du lisier, remarque Olivier Chaloche, coprésident de la Fédération nationale d’agriculture biologique (Fnab). Et ce, alors même que la demande augmente, surtout depuis la guerre en Ukraine, qui a fait exploser le prix des engrais de synthèse et provoqué en réaction une ruée sur les engrais organiques. » Résultat : depuis quelques années, la filière bio cherche activement de nouvelles ressources, jusque dans nos cabinets.
« Avec le pipi de 100 personnes, on peut fertiliser 2 ha chaque année » (...)
Inaugurée en novembre, l’usine tourne encore au ralenti. Mais à l’intérieur du local, plusieurs cuves sont déjà remplies de liquide doré. « Ici, on laisse l’urine pendant un à six mois, pour qu’elle s’hygiénise : les pathogènes éventuellement présents sont tués par la réaction chimique qui se produit naturellement », indique l’ingénieure.
Puis, le liquide est envoyé à travers des filtres de charbon végétal, où il percole lentement. « Ces filtres abritent des bactéries capables d’oxyder l’azote, poursuit-elle. Ça permet de stabiliser la substance et de la rendre plus assimilable par les plantes. » Cerise sur le gâteau, cette filtration retient également une partie des résidus médicamenteux potentiellement présents dans nos effluents.
Et… c’est tout. Bien que long, le processus n’est ni complexe, ni énergivore. (...)
Pas reconnu comme bio
Malgré tous ses avantages, ce système « des toilettes aux champs » peine à se développer. En cause, d’abord, un frein réglementaire : les agriculteurs bio, pourtant demandeurs, ne peuvent pas utiliser de lisain (le nom donné à l’urine devenue engrais) car il ne figure pas dans la liste des intrants autorisés en agriculture bio. (...)
Pourtant, « selon les principes de la bio, qui promeuvent l’usage de matières organiques animales, on devrait pouvoir le faire ». La Fédération demande ainsi une clarification du règlement au niveau européen et fait pression sur le gouvernement pour qu’il appuie le dossier. En attendant, l’organisme espère obtenir des dérogations, au cas par cas, pour pouvoir déployer des essais en plein champ avec ces urinofertilisants.
« Que chaque territoire développe sa propre “Factopi”, selon ses besoins »
Autre obstacle, selon Emy Cretegny, « la logistique ». Car transporter des litres d’urée des centres urbains vers les campagnes peut s’avérer ardu — le projet de la Fumainerie, à Bordeaux, avait d’ailleurs achoppé sur ce point. D’où sa volonté de partir de lieux collectifs — habitats groupés, établissements scolaires — pour simplifier la collecte, et de miser sur une solution « ultralocale » (...)
Dernière difficulté, et non des moindres, le modèle économique. Qui doit payer pour ce système écologique : les usagers qui économisent de l’eau avec leurs toilettes sèches ? « Aujourd’hui, tirer la chasse ne nous coûte presque rien », doute l’experte. Les agriculteurs qui bénéficient d’un engrais organique de qualité ? « Pas évident, car le prix actuel engrais est peu élevé. » Les communes ? « On rend service à la collectivité en évitant de surcharger les stations d’épuration, remarque-t-elle. Et il y a une vraie utilité publique dans ces projets. »
La fin du tout-à-l’égout ne se fera donc pas sans réflexion globale sur le prix de l’eau et de sa dépollution. (...)
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