2023 année la plus chaude de l’histoire, inondations historiques dans le nord de la France, promesses de la COP28… Davide Faranda, climatologue au CNRS, dresse un bilan alarmant de l’année.
Selon l’observatoire européen Copernicus, 2023 est l’année la plus chaude jamais enregistrée au niveau mondial. Sur la France spécifiquement, 2023 est sur la deuxième marche du podium, avec 14,4 degrés de moyenne de température sur toute l’année, juste derrière l’année 2022.
Après une année marquée à la fois par des évènements climatiques extrêmes (inondations historiques dans le nord de la France, épisodes caniculaires estivaux) et par la grand-messe polémique de la COP28 à Dubaï, l’heure est au bilan avec Davide Faranda, directeur de recherche au CNRS en climatologie. (...)
Le changement climatique est au cœur de toute cette chaîne. D’abord, l’atmosphère est plus chaude à cause des gaz à effet de serre. Mais le changement climatique augmente aussi la possibilité de transformer l’humidité en pluie, car lorsque l’atmosphère est plus chaude, elle héberge plus d’eau précipitable.
En quoi cette situation est-elle alarmante ? (...)
La situation est alarmante du point de vue des températures, qui arrivent à un niveau d’anomalie élevé, jusqu’à +10 degrés par rapport aux moyennes en Europe centrale et de l’Est par exemple. Cela a un impact sur les cultures, avec entre autres des floraisons précoces. Les cycles de neige sont également perturbés : les épisodes neigeux sont souvent interrompus par des épisodes de températures élevées, ce qui perturbe les sols et augmentent par exemple, les risques d’avalanche.
Certaines zones d’Europe ont dû faire face à des inondations. Dans le nord de la France et en Angleterre, il a plu et il pleut encore énormément. On a basculé de façon soudaine d’une période de sécheresse à une période de pluies intenses.
Cependant, ces pluies sont bénéfiques à long terme pour l’Europe. Dans certaines zones du continent, les nappes phréatiques étaient presque vides. Elles sont désormais en train de se remplir. C’est un trésor qu’on pourra utiliser l’été prochain, lorsque la sécheresse reviendra.
Tout cela était écrit dans les rapports du Giec : on sait que les très longues périodes de sécheresse sont interrompues par des épisodes de pluies très intenses, dues à des températures plus chaudes et un air chargé d’eau précipitable. On assiste en réalité à une extrémisation du climat qu’on avait prévue.
Nous subissons aujourd’hui les symptômes de cette maladie qu’est le changement climatique. (...)
on peut croire qu’un réchauffement de 1,5 degré à l’échelle mondiale, ce n’est pas grand-chose. Mais si l’on compare au corps humain, lorsque notre température passe de 37 à 38,5 degrés, ce n’est pas le degré et demi de plus qui compte mais les symptômes qui y sont associés.
Pour le climat, c’est la même chose. Les effets sont les cyclones, les orages, les vagues de chaleur. Et nous subissons aujourd’hui les symptômes de cette maladie qu’est le changement climatique que nous avons produit (...)
On a couvert vingt-six évènements extrêmes, ayant pour la majorité eu lieu sur l’année 2023.
Dans vingt-quatre cas, il existe un effet du changement climatique dû à l’homme dans la variation de l’intensité des phénomènes. Par exemple, pour les inondations qui ont eu lieu dans le Nord-Pas-de-Calais en novembre dernier, nos analyses ont montré que le changement climatique a augmenté considérablement la quantité de pluie tombée.
Il faudrait plutôt fixer des objectifs à atteindre d’une COP à l’autre, quitte à arrêter de faire une COP tous les ans. (...)
Si les accords de la COP étaient plus contraignants, certains pays n’auraient pas à faire machine arrière comme l’ont fait l’Allemagne avec la prolongation de la vie de ses centrales à charbon ou l’Angleterre avec le lancement d’un nouveau programme d’ouverture de centrale à énergie fossile.
La transition énergétique a lieu au niveau global, on voit que les énergies renouvelables montent en puissance. Mais il existe encore beaucoup de projets pour extraire et utiliser des énergies fossiles. Il y a des intérêts économiques et géopolitiques en jeu, qui soulignent une faiblesse des décisions politiques sur le sujet. (...)
Aujourd’hui, les classes sociales les plus pauvres au niveau mondial souffrent beaucoup. Pour réduire l’impact des gaz à effet de serre, il faut cibler les demandes d’efforts des pays aux classes sociales les plus riches et donc les plus émettrices de gaz à effet de serre, tout en soulageant les pays les plus pauvres du monde avec des projets d’adaptation aux évènements extrêmes déjà en cours.
Quels défis climatiques s’annoncent pour 2024 ?
Malheureusement, on ne s’attend pas à d’énormes changements en terme d’évènements extrêmes et d’accélération du changement climatique. On sait que ça va empirer et que ça aura un impact important sur l’économie et la vie sociale des pays.