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France TV Info/France 2
"Cash Investigation". McKinsey, une firme au cœur du pouvoir
#cabinetsdeconseil #McKinsey
Article mis en ligne le 22 septembre 2024
dernière modification le 20 septembre 2024

"Cash Investigation" a enquêté sur l’une des entreprises les plus influentes et les plus secrètes de la planète. Surnommée "la firme" par ses propres employés, le cabinet de conseil américain aime cultiver la discrétion. Mais en 2022, en pleine campagne présidentielle, McKinsey se retrouve au cœur d’un scandale d’Etat, lorsque les liens entre le président de la République, Emmanuel Macron, et le cabinet de conseil sont révélés. Un document voir le 17 septembre à 21h10 sur France 2.

Grâce à des documents exclusifs et des témoignages inédits, Donatien Lemaitre se penche sur "l’affaire McKinsey" et révèle comment certains de ses consultants se seraient mis gratuitement au service d’Emmanuel Macron pour l’aider dans sa conquête de l’Élysée en 2017. (...)

Lire aussi :

 (Mediapart)
Le leader mondial du conseil Accenture a voulu piéger l’émission « Cash Investigation »

Pour tenter de piéger les équipes d’Élise Lucet, le cabinet de conseil Accenture a mis sur pied une opération digne du « Bureau des légendes », d’après les aveux de son initiateur. Mediapart en révèle tous les détails.

Le courrier anonyme a attiré toute l’attention de la rédaction de « Cash Investigation ». Émanant d’un « agent du ministère des armées », la missive, qui a été envoyée en janvier 2024, révèle comment un important cabinet de conseil de la Place de Paris, la société Onepoint de David Layani, bénéficierait d’un accès privilégié au marché de la défense grâce à ses relations. (...)

mediapart.fr
Le leader mondial du conseil Accenture a voulu piéger l’émission « Cash Investigation »
Antton Rouget
8–10 minutes

Le courrier anonyme a attiré toute l’attention de la rédaction de « Cash Investigation ». Émanant d’un « agent du ministère des armées », la missive, qui a été envoyée en janvier 2024, révèle comment un important cabinet de conseil de la Place de Paris, la société Onepoint de David Layani, bénéficierait d’un accès privilégié au marché de la défense grâce à ses relations.

Il ne s’agit pas moins d’une « affaire d’État où politique et monde des affaires semblent s’arranger entre amis, loin des enjeux d’intérêt général qui nous animent en tant que fonctionnaires d’État », résume son auteur, qui précise avoir déjà, avec « plusieurs de [s]es collègues », « dénoncé ces agissements auprès de [leur] hiérarchie » avant d’être « réduits au silence ».

« Cash Investigation », la célèbre émission incarnée par Élise Lucet sur France 2, qui vient justement de lancer une enquête sur les cabinets de conseil, représente ainsi un « dernier espoir » pour ce lanceur d’alerte anonyme, qui ne peut pas en dire plus sur son identité « par mesure de précaution ».
La journaliste Élise Lucet et le responsable du lobbying d’Accenture France, Samuel Tamba.

Le sujet paraît au premier abord explosif, à un détail près, que la rédaction de « Cash Investigation » ne peut qu’ignorer. La lettre n’a pas du tout été rédigée par un « agent du ministère », comme le prétend son auteur. Elle émane en réalité d’un concurrent de la société Onepoint, le puissant cabinet de conseil Accenture, un des leaders mondiaux du secteur, d’après une enquête de Mediapart.

Craignant que le géant du conseil, qui a notamment accompagné l’État dans sa gestion chaotique de la crise du Covid-19, soit ciblé par les équipes de « Cash Investigation », le responsable du lobbying d’Accenture en France, Samuel Tamba, a en effet organisé ce contre-feu ayant pour objectif de braquer les projecteurs, en sous-main, sur une entreprise rivale.

Pour conduire cette opération de manipulation, le représentant d’Accenture s’est montré des plus précautionneux : il n’a laissé aucune trace du courrier sur son ordinateur, a mis des gants pour le glisser dans une enveloppe, puis a traversé Paris pour le poster depuis une boîte aux lettres éloignée des locaux d’Accenture. Avant de commettre un impair : Samuel Tamba s’est épanché sur ses exploits, avec force détails, à une personne au moins. Une personne de trop, qui a enregistré la conversation.
Un conflit autour d’un juteux contrat pour les armées

Au cours de cet échange, le lobbyiste d’Accenture, un trentenaire fougueux ayant été biberonné aux campagnes politiques de droite – à commencer par celle de François Fillon en 2017 –, n’a pas pu cacher son excitation au moment de narrer son tour de force. Il a notamment raconté à son interlocuteur avoir fait un « truc en mode “Bureau des légendes” », en référence à la célèbre série d’espionnage de Canal+. « Bien sûr, il n’y a aucune trace de ce document sur mon ordinateur, aucune trace », a aussitôt rassuré Samuel Tamba.

Sollicité par Mediapart, l’intéressé n’a pas répondu à nos questions visant à comprendre qui a imaginé cette opération et en a validé le principe. Mais son mobile, lui, est limpide : si Samuel Tamba entretient des relations tout à fait cordiales avec David Layani, qu’il connaît personnellement depuis plusieurs années, ce n’est pas le cas des liens entre Accenture et Onepoint.

Les deux cabinets, qui s’étaient associés en 2022 pour remporter un lucratif contrat de transformation numérique des armées, justement, sont ensuite entrés en conflit (y compris juridique) à cause d’un problème technique d’habilitations secret-défense. Cette bataille, dans laquelle se jouent des dizaines de millions d’euros et les réputations des deux entreprises, était « enlisée » début 2024, au moment de l’envoi du courrier anonyme, selon le média spécialisé La Lettre. À cette même période, le petit monde des cabinets de conseil bruissait aussi du début d’une enquête de « Cash Investigation » sur le secteur, offrant une fenêtre de tir inespérée à Accenture.
Accenture annonce l’ouverture d’une enquête interne

« Je veux que le ministère ait la pression pour qu’il ne se dise pas, finalement, on va enlever l’habilitation d’Accenture en février sur base de petits arrangements entre amis, s’ils savent qu’il y a des médias qui les suspectent déjà d’avoir des petits arrangements entre amis avec Onepoint. Moi, c’est ça qui m’intéresse », a ainsi explicité Samuel Tamba au cours de l’entretien enregistré, ajoutant : « Pour le coup, s’il y a bien un endroit où je voudrais qu’Élise Lucet vienne, c’est sur ce dossier. » Dans son courrier, le lobbyiste renvoie aussi les équipes de « Cash Investigation » à un article sur les relations politiques de David Layani et ses ennuis judiciaires, révélés par Mediapart en octobre 2021.

Interrogée sur l’envoi de cette missive, la filiale du géant américain n’a pas répondu à nos questions précises, alors que Samuel Tamba travaille directement sous les ordres du président d’Accenture France. L’entreprise a seulement affirmé qu’elle prenait « ces informations au sérieux », annonçant le lancement d’une « enquête interne » à ce sujet. « Accenture est une entreprise qui porte des valeurs fortes, qui s’engage à agir conformément à la législation et dans le respect d’un cadre déontologique exigeant », a aussi commenté la société. Également sollicité, David Layani a réagi par la voix de son avocat, Me Mathias Chichportich : « Si ces faits étaient établis, ils seraient d’une extrême gravité et nous en tirerions toutes les conséquences. »

Le ministère des armées a réagi auprès de Mediapart en estimant que si les faits sont avérés, ils constituent « un nouvel épisode de cette relation très conflictuelle et sont graves dans la mesure où ils tentent d’instrumentaliser le ministère des armées ».

Enfin, les équipes de Premières Lignes télévision (PLTV), qui produisent l’émission « Cash Investigation », nous ont confirmé avoir reçu un courrier anonyme, lequel est bien signé d’un « agent du ministère des armées » et correspond en tous points aux explications fournies par Samuel Tamba dans l’entretien enregistré, dont nous reproduisons des extraits ci-dessous.
Extrait du courrier anonyme adressé à « Cash Investigation ». © Document Mediapart

La rédactrice en cheffe de « Cash Investigation », Sophie Le Gall, se souvient du jour où elle a ouvert la lettre. « Nous avons plus souvent l’habitude d’être contactés par mail. Un courrier anonyme, c’est plus rare, cela correspond plus à des méthodes à l’ancienne », se remémore-t-elle. Elle trouve « insensé de se faire passer pour un fonctionnaire pour tenter de manipuler. C’est un scénario digne d’une série B. »

Si elle a lu le courrier, la journaliste n’y a pas donné suite, ne pouvant de surcroît contacter son auteur. « Nous travaillons au long cours, en vérifiant les informations et l’identité de nos sources, même si nous protégeons leur anonymat », rappelle-t-elle. Ce fut notamment le cas avec le lanceur d’alerte des Lux Leaks Raphaël Halet, qui avait d’abord pris contact de manière totalement anonyme par mail, avant de rencontrer secrètement les journalistes.

Dans leur émission, qui sera diffusée en prime time sur France 2 mardi 17 septembre, les équipes de PLTV ont décidé de se concentrer sur le seul cas du cabinet McKinsey (cocontractant d’Accenture sur des marchés publics) et de ses relations avec le président Emmanuel Macron. Le journaliste Donatien Lemaître, qui a mené l’enquête, a en effet recueilli de nombreux témoignages et documents accablants sur le sujet. « Si [le courrier d’Accenture] était pour nous influencer, il s’agit d’un coup dans l’eau car nous étions déjà bien avancés dans notre enquête à l’époque », commente la rédactrice en cheffe Sophie Le Gall.

Samuel Tamba avait envisagé cette éventualité lorsqu’il a monté son opération. « Soit Élise Lucet arrive à ajouter ça [les informations sur Onepoint – ndlr] dans son “Cash Investigation” sur les cabinets de conseil », expliquait-il alors, avant de se faire visionnaire : « Soit elle part sur une nouvelle enquête que sur Layani, qui dans tous les cas sera bénéfique pour tout le monde. » (...)

Accenture annonce l’ouverture d’une enquête interne (...)

Le ministère des armées a réagi auprès de Mediapart en estimant que si les faits sont avérés, ils constituent « un nouvel épisode de cette relation très conflictuelle et sont graves dans la mesure où ils tentent d’instrumentaliser le ministère des armées ». (...)

 (Basta/ 4 avril 2022)
Deux milliards d’euros en quatre ans : la très chère influence des cabinets de conseil sur la République

Le rapport du Sénat publié mi-mars sur les contrats de cabinets de conseil, dont McKinsey, passés avec les ministères révèle l’influence croissante de ces multinationales du consulting sur les politiques publiques, pour des coûts faramineux.

C’était une pratique souvent décriée, mais rarement documentée jusqu’à aujourd’hui. Un rapport d’une commission d’enquête du Sénat, réalisé à la demande du Groupe communiste républicain citoyen et écologiste, vient de palier ce manque. Le document de près de 400 pages lève le voile sur ce « phénomène tentaculaire » qu’est l’influence croissante des cabinets de conseil privés sur les politiques publiques [1]. Ils se nomment Boston Consulting Group (BCG), Eurogroup, Capgemini ou encore McKinsey. Depuis plusieurs années, ces entreprises de conseil sont missionnées par différentes administrations publiques, des ministères à Pôle Emploi. On leur demande des taches très diversifiées : cela va d’accompagner une administration sur la transition numérique à l’évaluation de la « stratégie nationale de santé », en passant par l’organisation de consultations citoyennes.

Le tout coûte cher aux caisses publiques. (...)

Rien que pendant la crise sanitaire, le ministère des Solidarités et de la Santé a confié 18 commandes au même groupement de cabinets, McKinsey et Accenture, pour un montant total de 16,21 millions d’euros (lire aussi notre article : Covid-19 : ces consultants au cœur de la « défaillance organisée » de l’État). Le tout dans un grand manque de transparence, dénonce le rapport sénatorial : « À ce jour, l’État ne dispose pas d’une vision agrégée suffisamment fiable et qualitative des dépenses de conseil engagées par les ministères et leurs opérateurs. » (...) (...)

En plus, selon le rapport du Sénat, McKinsey, une des plus grandes multinationales du conseil, qui a passé de nombreux contrats avec le gouvernement sur plusieurs réformes majeures du quinquennat (dont la stratégie vaccinale, mais aussi sur la réforme des aides au logement), n’a pas payé d’impôt sur les sociétés en France depuis dix ans. (...)

« Nouvelle noblesse managériale publique-privée »

Comment en est-on arrivé là ? Historiquement, la France possède une administration forte. « L’État français s’est construit de manière autonome vis-à-vis du privé et du monde économique. Les grands corps de l’État, spécificité française, en sont l’exemple le plus évident », explique à basta ! Frédéric Pierru, sociologue au CNRS qui a été auditionné par la commission d’enquête sénatoriale. Au point que l’État français reste toujours moins dépensier dans les cabinets de conseil que certains de ses voisins. (...)

Malgré tout, ce montant a augmenté au fil des ans en France durant les années 2000. Depuis 2018, il explose, notamment pour les conseils les plus « stratégiques », c’est-à-dire sur les politiques publiques elles-mêmes. « Les dépenses de conseil à forte dimension stratégique s’élèvent en 2021 à 445,6 millions d’euros. Elles ont presque triplé depuis 2018 », souligne le rapport du Sénat. (...)

la transformation de certains hauts-fonctionnaires en managers et la généralisation du pantouflage (le passage de hauts fonctionnaires au privé) ont créé une porosité entre les deux mondes.

Pour les deux chercheurs, l’arrivée d’Emmanuel Macron au plus haut sommet de l’État est une manifestation de ce processus : énarque, inspecteur des finances, un passage dans une banque d’affaires Rothschild puis ministre des Finances et enfin président de la République. (...)

Une « valeur ajoutée quasi nulle » pour 280 200 euros

Face aux sénateurs, le gouvernement a affirmé qu’il n’a « pas de position idéologique sur le recours aux consultants ». Depuis la publication du rapport, il justifie ce recours massif avec deux arguments principaux : l’apport d’une expertise technique et une force de frappe rapidement mobilisable. Le rapport sénatorial remet vivement en question ces deux aspects. (...)

le recours aux entreprises de consultation est devenu un réflexe des directions des administrations publiques, sans forcément regarder avant quelles sont les compétences disponibles en interne. (...)

« Les consultants partagent une vision du monde particulière, aux intérêts souvent guidés par la lucrativité, ils pensent que les fonctionnaires sont rouillés. » « C’est palpable quand des consultants parlent de “clients” et non “d’administrés", a aussi dit à la commission Estelle Piernas, secrétaire nationale de l’Union fédérale des syndicats de l’État CGT. Cette méconnaissance les amène à ne pas prendre en compte la qualité du service rendu à tous les administrés, en zone urbaine comme rurale. » (...)

Les premières victimes de ce phénomène, ce sont les usagers des services publics, encore plus les usagers ruraux et précaires. Encore une fois, ceux qui trinquent, ce sont les plus pauvres.