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Bombardements israéliens à Rafah : les JT plaident le droit à l’« erreur »
#israel #palestine #Hamas #Cisjordanie #Gaza #Rafah #medias
Article mis en ligne le 23 juin 2024
dernière modification le 21 juin 2024

(...) Depuis huit mois, nous ne cessons d’observer une véritable incapacité médiatique à traiter de ce qu’il se passe à Gaza de manière régulière et juste, voire à traiter du sujet tout court pour certains médias. Déshistoricisation ; infime temps d’antenne accordé au sort des Palestiniens ; minimisation et délégitimation de leur parole ; déshumanisation persistante ; faux équilibres ; commentariat militaire omniprésent ; accompagnement de la propagande israélienne ; marginalisation des chercheurs compétents et des paroles contestataires ; etc.

Les biais et les fautes éthiques des grands médias français perdurent malgré la gravité des événements. Ce manquement au devoir d’informer s’est ainsi encore donné à voir après le bombardement par l’armée israélienne du camp humanitaire de Tal al-Sultan le 26 mai. À bien observer la programmation des chaînes d’information en continu le soir même, celle des journaux télévisés le lendemain, de même que les Unes des grands quotidiens d’information générale, nous nous apercevons en effet assez vite que le réveil médiatique n’est toujours pas d’actualité.

TF1 et France 2 : deux JT, un même traitement

• Un temps d’antenne minimaliste

Le lundi 27 mai, les JT de France 2 et TF1 ont consacré un sujet au bombardement du camp Tal al-Sultan de Rafah, à la fois dans leurs éditions de 13h et de 20h. Chacun dure en moyenne... 2 minutes. Sur la journée du lundi, TF1 et France 2 confondus, le bombardement du camp palestinien de Tal al-Sultan aura ainsi occupé 8 minutes et 37 secondes de temps d’antenne... sur environ 160 minutes de journaux télévisés.

Pour bien mesurer la minimisation médiatique de ce massacre, il suffit de comparer cette couverture à celle d’autres sujets figurant au sommaire de ces quatre JT, qui ont par exemple accordé un temps d’antenne plus élevé à un sujet sur « le succès des Air Fryer » (3min13, JT de 13h de France 2), sur le recyclage des matelas (3min10, JT de 13h de TF1) et autant à un sujet sur la hausse des ventes de glaces à l’approche de l’été (2min, JT de 20h de TF1).

En analysant le contenu de ces sujets, nous observons d’abord que France 2 et TF1 les ont construits de manière quasi identique. (...)

a légitimité a priori dont continue de jouir l’armée israélienne et la présomption de véracité qu’accordent les chefferies médiatiques à ses propos ouvrent la porte aux biais massifs à l’œuvre depuis huit mois. Notamment dans les éditions de 13h de France 2 et TF1, où sont non seulement renvoyés dos à dos les deux récits de l’événement, l’un israélien, l’autre palestinien, mais où ce dernier est de surcroît subtilement et systématiquement remis en cause. Aussi la question initiale « Que s’est-il passé à Rafah ? » en cache-t-elle une autre, plus à l’image du traitement des « 20h » : que s’est-il « réellement » passé à Rafah selon l’armée israélienne ?

• Le poids persistant de la propagande israélienne (...)

La simple mise en récit des événements laisse planer le doute sur la véracité de l’information provenant de la partie palestinienne (...)

• La déshumanisation continue

En plus de problématiser leurs sujets de manière similaire, les rédactions de France 2 et TF1 reprennent les mêmes images et les séquencent de la même manière, autant dans leurs éditions du 13h que du 20h. (...)

ce sont en réalité les « reportages » dans leur entièreté qui contribuent à entretenir la dépersonnalisation et la déshumanisation des Palestiniens. Dans cette foule indistincte où se mélangent hommes, femmes, enfants et sacs mortuaires, la place du témoignage est totalement résiduelle (...)

in fine, ce que nous propose le 20h, c’est une petite fenêtre sur un « événement » complétement décontextualisé du reste de la guerre génocidaire. La preuve : aucun bilan chiffré des Palestiniens tués ou blessés depuis octobre n’est rappelé à l’antenne.

Une médiatisation à l’image du bruit médiatique (...)

D’ores et déjà baptisé « le massacre de Tal al-Sultan », le bombardement de ce camp de réfugiés palestiniens fait aujourd’hui l’objet une page Wikipédia spécifique, a été dénoncé par plusieurs ONG, et a même été condamné par le président Emmanuel Macron. Pourtant, il n’existe pas comme tel dans les médias français. Les deux journaux télévisés les plus regardés en France l’ont traité comme un nouvel épisode banal d’un conflit totalement asymétrique que les grands médias persistent à vouloir « équilibrer » en renvoyant chaque acteur dos à dos depuis octobre. Le massacre surgit dans « l’actualité » pour mieux disparaître, presque instantanément. La déshumanisation des Palestiniens se poursuit à la télévision française. Alors que plus de 35 000 d’entre eux ont été tués depuis octobre, le naufrage médiatique continue.