
La baisse de 4 % des émissions de CO2 de l’Union européenne en un an s’explique surtout par une réduction de l’activité économique. En réalité, nos émissions n’ont pas tant bougé, explique Bastien Cuq du Réseau Action Climat.
(...) Reporterre — L’Union européenne a diminué ses émissions de gaz à effet de serre de 14 % en cinq ans. Peut-on s’en réjouir ?
Bastien Cuq — C’est une bonne nouvelle. Une grande partie de ce chiffre peut s’expliquer par une hausse de la place des énergies renouvelables dans le mix d’électricité. Un rapport du groupe de réflexion sur les énergies Ember indique qu’il y a, entre 2019 et 2023, une baisse de 22 % de l’électricité produite à partir d’énergies fossiles ; notamment charbon et gaz. Cela s’explique presque uniquement par l’augmentation de l’éolien et du solaire, plutôt que du nucléaire.
Dans un autre rapport qui compare 2023 à 2022, Ember note que les émissions de CO2 liées à la production d’électricité en Europe ont baissé de 19 % et que cela s’explique d’abord par la baisse de la demande, ensuite par l’augmentation de l’éolien et du solaire et un tout petit peu par le rebond du nucléaire et de l’hydraulique. Mais c’est seulement la troisième cause, et de loin.
On peut donc se réjouir de cette baisse des émissions, elle montre qu’on arrive à remplacer progressivement les énergies fossiles en Europe par des énergies renouvelables. Et cela s’accompagne d’une baisse de la production d’électricité dans l’UE (...)
ce qui est beaucoup moins réjouissant : une partie de la baisse des émissions de l’Union s’explique par une baisse de l’activité économique, notamment industrielle. Nous n’avons pas radicalement changé de mode de consommation depuis 2019. Nous consommons certes un peu moins, en raison de l’inflation. (...)
Selon les statistiques du ministère de la Transition écologique, l’empreinte carbone par habitant en France n’a quasiment pas bougé (...)
Pour ce qui est de la production d’électricité, l’Union européenne est en très bonne voie pour atteindre ses objectifs. Mais l’électricité, c’est la partie facile de la réduction des émissions de carbone.
Sur le reste, c’est plus compliqué. On le voit pour l’industrie, qui a besoin d’investissements énormes pour changer d’équipements. Les procédés industriels qui utilisent de l’électricité à la place du gaz ne sont pas toujours au point. On a le gros problème des transports. L’aviation n’arrête pas d’augmenter son trafic et donc ses émissions. La voiture est encore très utilisée, l’alternative ferroviaire n’est pas assez accompagnée. L’agriculture, elle, reste très mécanisée ; elle dépend du pétrole et d’engrais azotés qui polluent beaucoup. Pour la transition écologique en général, cela reste très difficile.