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non-fiction
Autopsie de la pulsion d’achat
#achat #marché #marchandisation #inconscient
Article mis en ligne le 17 décembre 2024
dernière modification le 14 décembre 2024

Pourquoi désirons-nous obtenir un objet particulier, même si nous n’en avons pas besoin ? Comment expliquer que nous soyons prêts à dépenser une somme d’argent pour acquérir cet objet déterminé ? Quels sont les ressorts qui le rendent si éminemment désirable ? Économie de marché et inconscient a pour ambition de mettre au jour les raisons pour lesquelles nous voulons entrer dans l’échange économique, au moyen d’une « exploration systématique de la dimension inconsciente de l’échange marchand dans les catégories de la théorie analytique », un projet à la fois audacieux et original.

Les conditions de l’échange : marché et société

L’auteur expose en guise de préalables le cadre psychique et économique dans lequel nous entrons dans l’échange, celui de l’économie de marché, qui n’apparaît qu’à une époque donnée et qui a pour corollaires des changements de mentalité. Il apparaît ainsi évident que la disposition d’esprit de celui qui entre dans l’échange est lié à un acquis civilisationnel, par lequel l’individu qui désire un objet ne le prend pas de force, mais peut « reporter la jouissance en la symbolisant pour la transformer en désir ». La validité de l’échange est alors symboliquement garantie par un « tiers-validant », qui assure les partenaires de l’échange de la légitimité de leur action. Une économie de marché est une forme d’organisation sociale liant des acheteurs et des vendeurs qui n’ont entre eux d’autres rapports que l’interaction marchande, ce qui présuppose que l’activité économique soit une sphère autonome de la vie sociale et que la seule justification de l’échange se trouve dans sa capacité de répondre à l’intérêt individuel d’un marchand. (...)

Pour l’auteur, avant l’économie de marché, les deux partenaires de l’échange agissaient en ayant incorporé dans leur psychisme le père symbolique. (...)

C’est en quelque sorte sous l’œil du père symbolique (et donc en accord avec ses lois et en craignant qu’une transgression de ces lois soit très dommageable) que se déroulent les échanges antérieurs à l’économie de marché. Car l’économie de marché, pour l’auteur, représente le moment où se transforment les structures psychiques puisque le père symbolique est refoulé et qu’un « complexe de normes morales et sociales […] remplace l’ancien impératif éthique ». Les Lumières auraient eu entre autres pour effet un affranchissement du père symbolique, en particulier parce qu’elles visaient faire sortir l’homme d’une forme d’immaturité et de minorité. Comme le dit l’auteur : « Le père symbolique ne meurt pas mais il se déplace. Il migre du devant de la scène vers ce que Freud appelle « ein anderer Schauplatz ». Cette autre scène, c’est l’inconscient. L’émergence d’une société de marché an lieu et place du père symbolique, on trouve une codification des valeurs et des comportements.

La désirabilité de l’objet

L’auteur met en évidence la cécité volontaire de l’économie, qui a longtemps prétendu que la valeur des objets était déterminée par leur fonction d’usage, et non par leur valeur d’échange. Autrement dit, les économistes ont expliqué que ce qui faisait la valeur d’un produit était son utilité, sa fonctionnalité et non sa désirabilité. En réfléchissant ainsi, l’économie faisait disparaître l’inconscient de la démarche de l’échange, puisque c’est la seule raison (à laquelle était trop souvent réduit le sujet de l’économie) qui, comparant l’utilité de différents produits, décidait de celui qu’elle voulait acquérir en fonction de critères visibles, objectifs et cohérents. Or ce que fait valoir l’auteur, c’est que, bien au contraire, « ce n’est jamais la valeur d’usage, associée au besoin et au plaisir, qui organise l’économie de marché. Cette dernière est polarisée, pour le meilleur et pour le pire, par la valeur d’échange qui se fixe dans un prix établi par des processus de mimétisme récursif. La valeur d’usage n’y est pour rien, même si elle peut fonctionner comme un prétexte utile, un « simulacre » (Baudrillard), pour mieux cacher les forces à l’œuvre. utour de l’auto-organisation consciente et voulue des agents individuels est concomitante de la constitution d’un inconscient dans le sens de la psychanalyse freudienne (...)

En lieu et place du père symbolique, on trouve une codification des valeurs et des comportements.

La désirabilité de l’objet

L’auteur met en évidence la cécité volontaire de l’économie, qui a longtemps prétendu que la valeur des objets était déterminée par leur fonction d’usage, et non par leur valeur d’échange. Autrement dit, les économistes ont expliqué que ce qui faisait la valeur d’un produit était son utilité, sa fonctionnalité et non sa désirabilité. En réfléchissant ainsi, l’économie faisait disparaître l’inconscient de la démarche de l’échange, puisque c’est la seule raison (à laquelle était trop souvent réduit le sujet de l’économie) qui, comparant l’utilité de différents produits, décidait de celui qu’elle voulait acquérir en fonction de critères visibles, objectifs et cohérents. Or ce que fait valoir l’auteur, c’est que, bien au contraire, « ce n’est jamais la valeur d’usage, associée au besoin et au plaisir, qui organise l’économie de marché. Cette dernière est polarisée, pour le meilleur et pour le pire, par la valeur d’échange qui se fixe dans un prix établi par des processus de mimétisme récursif. La valeur d’usage n’y est pour rien, même si elle peut fonctionner comme un prétexte utile, un « simulacre » (Baudrillard), pour mieux cacher les forces à l’œuvre. (...)

Pour rendre compte de ce que l’acheteur croit que va lui apporter l’objet, l’auteur s’appuie sur les travaux de Lacan, et en particulier sur son concept du « plus-de-jouir », dérivé du concept de plus-value dans les écrits de Marx, (et que l’auteur analyse soigneusement en lien avec le fétichisme de la marchandise, c’est-à-dire l’idée que ce qui fait la valeur d’une marchandise, c’est sa forme de marchandise plus que sa valeur d’usage) en lien avec ce que Lacan appelle l’objet a. Pour schématiser, le sujet passe sa vie, pour Lacan, à désirer ce qu’il a perdu. Et il croit inconsciemment que l’objet a lui permettra de compenser sa perte. Dans l’échange marchand, l’objet économique désiré par l’acquéreur se donne comme « un pansement éphémère pour pallier la perte de ces objets perdus ». (...)

Mais l’insatisfaction dans laquelle nous laisse l’objet acquis nous pousse immanquablement à désirer un autre objet auquel nous prêtons la vertu de nous satisfaire complètement et durablement, de telle sorte que l’économie de marché fonctionne au rythme de l’alternance de nos désirs de marchandises et de nos déceptions. (...)

L’auteur examine la pensée d’Adam Smith, pour lequel, il y a un désir de sympathie inconscient en l’homme, et montre que ce qui rend un objet désirable est le fait qu’il procure de la sympathie, et non sa valeur d’usage. La recherche de cette sympathie et de la reconnaissance sociale structure les désirs des hommes. La sympathie s’installe chaque fois quand on reconnaît ses propres sentiments chez un autre. La motivation pour chercher cette harmonie des sentiments provient du désir de se sentir respecté et aimé, le moteur ultime des actions humaines. (...)

 (Classiques Garnier)
Économie de marché et inconscient La pulsion à l’origine de la valeur économique, Jan Horst Keppler : https://classiques-garnier.com/economie-de-marche-et-inconscient-la-pulsion-a-l-origine-de-la-valeur-economique-en.html