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À Vitré, des syndicalistes du centre d’appels Concentrix poussés à bout
#Vitre centredappels #concentrix #souffranceautravail
Article mis en ligne le 8 septembre 2025

Des syndicalistes du centre d’appels de la multinationale Concentrix, à Etrelles près de Vitré en Ille-et-Vilaine, attaquent leur employeur en justice. Ils dénoncent un management délétère conduisant à des tentatives de suicide, des burn-out et un turn-over très important. Ils regrettent que leurs alertes auprès de leur direction et des élus locaux n’aient pas amélioré la situation

« Bonjour à vous toutes et tous. À l’instant où je vous parle, je cherche des mots, des solutions mais je ne les trouve pas. Je prends donc l’ultime décision de passer de l’autre côté de la berge. Merci Marc […] Je suis à bout de force. Aidez-moi. »

Nous sommes le 2 février 2024, il est 15 h 32, lorsque Patrice* poste ce message sur le fil WhatsApp du syndicat SUD Solidaires de Concentrix, à Etrelles près de Vitré, où il est téléconseiller. Il vient d’avaler des médicaments pour mettre fin à ses jours, sur le parking, près de l’entreprise.

Patrice est délégué syndical SUD dans ce centre d’appels. Marc, c’est Marc Le Coënt, directeur du site vitréen de 500 salariés, filiale d’une multinationale cotée au Nasdaq, affichant au deuxième trimestre 2025 un chiffre d’affaires de 2,42 milliards d’euros.

Ici, tout le monde se tutoie et s’appelle par son prénom. Mais, derrière cette familiarité, se cachent des relations sociales qualifiées de « mauvaises » par l’inspection du travail qui parle de « situation de blocage » dans l’entreprise, dans un courrier adressé au directeur du site en avril 2025 et que Splann ! s’est procuré.

Pourtant, des indicateurs concrets de la souffrance au travail, qu’elle soit psychique ou physique, existent : le turnover et le taux d’absentéisme. (...)

Dans son courrier du 4 avril 2025, l’inspecteur du travail rappelle également à Marc Le Coënt qu’« il est nécessaire d’entretenir au quotidien des bonnes relations avec les représentants du personnel », et que si des conflits surviennent « il faut apprendre à les gérer ».

Interrogée par Splann !, la CFDT confirme un climat de défiance envers les syndicats : « Le directeur ne parle pas aux salariés, donc c’est vraiment avec les instances que ça se cristallise. »
« Il y avait une super ambiance »

Pourtant, en 2011, lorsque Patrice intègre cette entreprise qui traite les appels téléphoniques d’Enedis, la Maaf, Fortuneo, Stellantis ou Doctolib, il s’y sent « épanoui ».

Il a, alors, presque 50 ans. « Il y avait une super ambiance », se remémore-t-il. Et puis, sa voix se fait plus grave, plus triste : « Les choses se sont bien passées pour moi jusqu’à ce que je devienne élu du personnel. C’est mon rôle d’élu qui a fait que les conditions se sont détériorées. »

Deux collègues, Agnès* et Arthur*, l’accompagnent lors du rendez-vous avec Splann ! pour le soutenir, mais aussi pour témoigner de leur vécu au sein de Webhelp, devenu Concentrix en 2024. Eux aussi ont aimé être téléconseillers dans cette entreprise, jusqu’au moment où ils se sont présentés aux élections professionnelles pour SUD. Dès lors, eux aussi auraient subi des pressions et tiennent grâce aux antidépresseurs.

Dans un flot de paroles qui trahit son stress, Agnès témoigne d’humiliations, de pressions, d’enquêtes pour harcèlement, de refus de sa hiérarchie qu’elle se rende aux toilettes…

Quelques mois après s’être présentée aux élections professionnelles, Agnès est licenciée pour faute grave, en juillet 2024. Licenciement qu’elle conteste en justice. Arthur, lui, est en arrêt maladie.

(...)

« Si cette politique antisociale rapporte de l’argent à l’État, il fait l’autruche »

La sociologue Maëlizig Bigi, qui a suivi les procès France Telecom suite à la vague de suicides dans l’entreprise, à la fin des années 2000, n’est pas étonnée de la réaction de l’entreprise : « C’est plus facile de mettre les choses sous le tapis que de faire face. L’enjeu est important, c’est de savoir s’il y a un lien avec le travail. C’est pour ça que c’est aussi caricatural et systématique. Et ça marche, souvent. »

La réponse de Marc Le Coënt, le 21 mars 2025, à notre confrère du Journal de Vitré au sujet des tentatives de suicide sur le site qu’il dirige en est une illustration. « À ce jour, rien ne permet d’établir un lien direct entre ces événements et l’activité professionnelle », rétorque-t-il.

Alertée par les salariés, la députée Renaissance de la circonscription, Christine Le Nabour, a contacté la sous-préfecture, en mars 2025. Quelques jours plus tard, elle poste une photo d’elle, en visite à Concentrix, sur les réseaux sociaux.

Elle y pose souriante, en compagnie de Teddy Régnier, président Horizons de Vitré Communauté ; Marc Le Coënt, responsable du site de Concentrix Vitré ; Romain Plé Nemo, directeur France de Concentrix, et Cynthia Bijot, responsable des ressources humaines du site de Vitré.

Aucun d’entre eux n’a donné suite à nos demandes d’interviews (Christine Le Nabour, Teddy Régnier, la direction de Concentrix et la sous-préfecture ont été sollicités).

Dans le même temps, des salariés étaient convoqués par les renseignements territoriaux (ex-RG). Le but de cette convocation reste flou, mais l’un des participants suggère à Splann ! : « Ce qui intéresse l’agent des renseignements, c’est de savoir si cette politique antisociale rapporte de l’argent à l’État ou pas, puisque les arrêts maladie et le chômage ont un coût. Si ça rapporte de l’argent à l’État, il fait l’autruche et, a contrario, il tapera du poing sur la table. » (...)