
Avocate opiniâtre, militante anticoloniale, féministe intransigeante, Gisèle Halimi est décédée ce mardi à Paris. Engagée contre toutes les injustices et les dominations, elle restera dans l’histoire comme une femme libre et courageuse, une des pionnières du féminisme, ne pliant devant aucune autorité. En 2003, elle prenait la plume dans nos colonnes pour la dernière fois afin de défendre la première Enquête sur les violences envers les femmes (Enveff) attaquée de toute part (de Élisabeth Badinter à Alain Minc)… C’était bien avant que l’un de ses trois fils, Serge Halimi, ne devienne directeur du Monde diplomatique.
Impossible de ne pas l’avoir vu, entendu, lu, remarqué. Feu nourri de toutes parts. Tirs à boulets rouges. La cible ? Le féminisme d’aujourd’hui : « Une escroquerie », une entreprise de « victimisation » des femmes, qui « fragilisent » les hommes, les transforment en « objets » de leurs « nouveaux maîtres », les féministes. Des livres, des manifestes bruyants et un relais hégémonique, obsédant, dans les médias (1). (...)
On peut se demander ce qui pousse certaines femmes, qui se proclament haut et fort féministes, à se soucier, sous couvert de prétendue rigueur scientifique, des « déroutes » masculines. Au détriment de la misère et du désespoir de la majorité des femmes dans le monde. Ignorent-elles l’écrasant rapport de forces, de dominant à dominé, entre hommes et femmes ? Cette relation socio-économique qui fait des femmes la majorité des chômeurs, des smicards, des travailleurs à temps partiel (dans ce ghetto de l’emploi, 83 % de femmes), des titulaires de contrat à durée déterminée (60 %), des grandes discriminées à l’embauche, à la promotion, des absentes de la direction des grandes entreprises ? La pauvreté (80 % de femmes) et leur précarité (3) ?
Ignorent-elles le rôle — réel et symbolique — de la domination masculine à l’origine même de la violence ? Une norme religieuse et culturelle autrefois répandue et encore tolérée de nos jours. L’homme violent, par la violence, marque son territoire et rappelle qu’il détient le pouvoir. En même temps qu’il signifie le lien entre virilité et sexualité (4).
Multiforme, la violence des hommes contre les femmes est universelle. Elle constitue même l’une des formes extrêmes des rapports entre les sexes dans le couple. (...)