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Vers une privatisation de la Sécurité sociale
29 novembre 2010 par Laurent Mauduit
Article mis en ligne le 14 décembre 2010

La France est à la veille d’une réforme gravissime, l’une des plus lourdes depuis la Libération : à petits pas, sans le dire, Nicolas Sarkozy prépare une privatisation rampante de la Sécurité Sociale. C’est à la faveur du dossier de la dépendance, présenté comme le grand chantier présidentiel de l’année 2011, que les premiers coups de boutoir seront donnés contre ce système clef de l’Etat providence que les Français perçoivent à juste titre comme leur premier et principal acquis social, le pivot essentiel de notre modèle social.

Rien n’est dit publiquement. Dans toutes ses déclarations officielles, Nicolas Sarkozy jure même de son attachement à la Sécurité Sociale, qui, depuis sa fondation en 1945, repose sur le système de la répartition, c’est-à-dire sur un système collectif et solidaire, tournant le dos au système de l’assurance privée individuelle.
Depuis des lustres, le lobby très puissant des assureurs privés rêve de mettre à bas ce système.
Et pour la première fois, un gouvernement, celui de François Fillon, s’apprête à accéder à ses demandes.

Le premier à sonner la charge a été Claude Bébéar, le fondateur du groupe d’assurance Axa, qui, dès 1996, avait sommé le gouvernement d’Alain Juppé d’avancer vers des « sécurités sociales privées », en émettant la recommandation que ce système fonctionne au « premier franc ».
« Autant dire, tuer la Sécurité sociale », commentait à l’époque L’Express.

(...) La liste des réformes ? C’est simple, prenez tout ce qui a été mis en place entre 1944 et 1952, sans exception. Elle est là. Il s’agit aujourd’hui de sortir de 1945, et de défaire méthodiquement le programme du Conseil national de la Résistance ! » (Denis Kessler, partisan de remettre en cause le programme du CNR)

(...) le chef de l’Etat (entretien télévisé, le 16 novembre) a aussi glissé, comme si de rien n’était, d’autres remarques qui n’ont guère fait de bruit.
Cela a été dit habilement, sous la forme de questions.
Mais cela mérite tout de même attention. « Faut-il faire un système assurantiel ? Obliger les gens à s’assurer ? Faut-il augmenter la CSG ?
Faut-il avoir recours à la succession quand les enfants n’ont pas la volonté ou pas les moyens ? »

L’air de rien, au milieu d’autres pistes, Nicolas Sarkozy pose donc la question : « Faut-il faire un système assurantiel ? » En clair, faut-il sortir de la Sécurité Sociale pour faire couvrir ce risque par les assureurs privés ?

Le chef de l’Etat n’a pas répondu à ses propres questions ; il a juste suggéré que toutes les pistes étaient ouvertes.
Mais en fait, on va vite voir que ces interrogations présidentielles sont au cœur des éléments de langage, si l’on peut dire, que l’exécutif a mis au point pour préparer les esprits à une privatisation rampante de la Sécurité Sociale.

(...) en posant des questions similaires à celles du chef de l’Etat – « assurance obligatoire ou facultative, collective ou individuelle ? » –, François Fillon (24 novembre, François Fillon, devant l’Assemblée Nationale) casse un tabou : il prépare, lui aussi, les esprits à ce que la Sécurité Sociale ne soit plus le bouclier naturel qui protège les Français d’un risque majeur, avec ses sources de financements habituelles (cotisations sociales ou CSG), et à ce que les assureurs privés puissent mettre la main sur cet alléchant et gigantesque marché. En clair, en avant vers un système de protection sociale à deux vitesses, avec un système de protection étendue ouvert aux plus riches qui auront les moyens de s’assurer ; et un système pour les plus pauvres régi par la solidarité, mais ne couvrant plus tous les risques ! Autrement dit, les vieux riches seront protégés, mais pas les vieux pauvres !
Un plaidoyer de l’UMP pour le lobby de l’assurance privée.

(...) Les Français devront s’exprimer sur ce qu’ils jugent être la meilleure solution. Quelle pourrait être la part de l’assurance par rapport à la solidarité ? Comment s’organiserait leur articulation ? (...)

D’abord, le rapport (rapport Valérie Rosso-Debord) fait valoir (page 64) que « nous ne sommes plus du tout dans le contexte de la création de notre système de protection sociale ». Et à l’appui de cette assertion, le rapport appelle à la rescousse non pas Denis Kessler, mais feu le président de la Cour des comptes, Philippe Séguin, qui avait un jour plaidé dans le même sens, au motif que « d’un côté, nous devons faire face à une explosion des dépenses ; de l’autre, la mondialisation fait du poids des charges sociales une hypothèque pour la compétitivité de notre pays ».
Le rapport fait donc un plaidoyer enflammé en faveur du recours (nous y voilà !)... à l’assurance privée. (...)

Et tout cela débouche (page 87), sur ce qui est le cœur du rapport, et qui pourrait avoir pour titre : A bas la Sécu ! Vive le lobby de l’assurance privée !..

On lit en effet ceci : « Les sociétés d’assurance, ayant désormais une vingtaine d’années d’expérience de la gestion du risque dépendance, estiment avoir suffisamment
défini le risque statistique – deviendront dépendants 15 % d’une génération
atteignant l’âge de 65 ans et 60% d’une génération atteignant 90 ans – pour
proposer des contrats assurant des rentes mensuelles moyennes de 1.000 euros par
mois pour des cotisations mensuelles s’élevant à 30 euros pour une personne de
soixante ans et à 21 euros pour une personne de quarante ans.
La mission propose de rendre obligatoire dès cinquante ans la
souscription d’une assurance des personnes contre la perte d’autonomie
auprès de l’établissement labellisé de leur choix : mutuelle, société de prévoyance
ou société d’assurance. »

Au moins, les choses sont dites sans détour. (...)

L’hypocrisie de Nicolas Sarkozy est donc totale, puisque un groupe à capitaux publics, la CNP, a conclu avec la bénédiction de l’Elysée un accord avec... son frère, Guillaume Sarkozy, afin de préempter dès à présent le marché alléchant de la retraite et de la dépendance.

« Car c’est effectivement une réforme gravissime qui se dessine : le dynamitage du pivot central du modèle social français. »..

C’est comme un feu roulant, qui se poursuit page après page.(...)